L'histoire :
En 1628, les Provinces Unies (actuels Pays Bas) sont la société la plus ouverte, culturelle et développée du monde occidental. A Amsterdam, la Compagnie des Indes Orientales donne sa chance à Francisco Delsaert, explorateur et commerçant, pour établir une relation de confiance avec le grand Moghol de Java. L’objectif à moyen terme est l’établissement d’un comptoir lucratif… Après étude de son dossier et une audience très stricte, le directeur de la compagnie lui accorde le titre de « Subrécargue » (le représentant de l’armateur, qui a tous les pouvoirs) sur le navire Jakarta, ainsi que de prodigieux fonds nécessaires à son négoce : un grand camée d’Agate incrusté de pierreries et des coffres emplis de 300 000 florins en pièces et bijoux. En contrepartie de ces largesses, Delsaert devra composer avec un équipage imposé : le rustre Arian Jakob comme skipper et Jéronimus Cornélius comme second, un obscur apothicaire, ainsi que plus de 300 marins issus de la fine fleur de la racaille. Il devra aussi rejoindre Java en moins de 120 jours, donc partir… la nuit même. Le navire embarque également Lucrétia Hans, une noble, réclamée par son époux. Le matelot Wiebbe Hayes vient la chercher chez elle et découvre une très belle femme, quoique alcoolique et désabusée par la mort récente de son 4ème enfant. Tout le monde prévient Lucrétia que cette traversé en compagnie de la pire engeance des marins va ressembler à l’enfer… Ce sera bien pire.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les éditions Glénat ont attendu les derniers jours de 2022 pour publier ce qui ressemble à leur chef d’œuvre de l’année : 1629… ou l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta. Le titre en dit déjà long sur ce qui nous attend après avoir ouvert la première des 135 pages de cette épaisse aventure… et on ne va pas être déçu du voyage. Primo, « l’objet » livre est magnifique : très grand format, couverture en bichromie noir et dorée, avec une représentation globalement inspirée par le style flamand de le Renaissance. Deuxio, les auteurs sont reconnus pour être des cadors du 9ème art (ensemble, ils ont réalisé le second arc du Troisième testament) et ils semblent avoir chacun mis le meilleur de leurs talents en adéquation pour raconter une aventure totalement trippante – dans le sens où on y laisse ses tripes. Le scénariste Xavier Dorison apprécie d’extruder les pires instincts humains et les tréfonds de l’âme (on se souvient de la sublime série WEST !) et il le fait avec un verbe élégant à travers des dialogues soignés. Et ça tombe bien, car le dessinateur Timothée Montaigne se surpasse pour dépeindre les ambiances lugubres dans les entreponts du Jakarta. Entre brimades cruelles, hygiène lamentable, soifs de luxure, élaboration de mutineries, concoction de breuvages, étapes mouvementées et l’attendu naufrage (du titre), leur expédition ressemblera à un passeport pour l’enfer. Dans ce nid de vipères, des personnages « positifs » surnagent cependant : la noble Lucrétia et le matelot Hayes. Le navire et les détails de ses gréements sont magnifiquement mis en scène, sous toutes leurs coutures, giflés par les caprices d’une météo généralement humide et les tempêtes humaines. Les sales bobines expressives relèguent parfois le célèbre Long John Silver au rang d’enfant de chœur. Au paroxysme de la tension, époumoné, au bout du rouleau, on est ravi d’apprendre sur l’ultime page qu’une seconde et dernière partie paraîtra l’année prochaine.