interview Bande dessinée

L'équipe de Goldorak

©Kana édition 2022

De véritables enfants ! À l'occasion de la sortie de la BD Goldorak chez Kana Éditions dans la collection Classics le 15 octobre dernier, Xavier Dorison (scénario), Denis Bajram, Alexis Sentenac et Brice Cossu (dessins) se sont prêtés au jeu de la conférence dans le cadre du TGS 2021 pour parler de la gestation de cet album hors norme. Et même si Xavier Dorison était le seul à être présent physiquement sur le salon toulousain, ses acolytes graphistes ont tenu à se rendre disponibles pour discuter avec le public via une visioconférence diffusée sur un écran géant. Au menu de cette discussion autour de la gestation de l'album Goldorak, on en apprendra plus sur la façon de travailler des artistes et de leur relation avec l'immense Go Nagai. Goldorak, go !

Réalisée en lien avec l'album Goldorak
Lieu de l'interview : TGS

interview menée
par
5 avril 2022

Plus de 40 ans après l'œuvre de Go Nagai, voilà qu'une BD consacrée à Goldorak vient de voir le jour chez Kana. D'où est venue cette idée ?
Xavier Dorison : Cette idée vient initialement d'un traquenard dans lequel je suis tombé lors d'un festival bien connu à Angoulême… (rires) Ce traquenard a été mis en place par deux personnes, deux de mes éditeurs. L'un s'appelle Yves Schlirf qui dirige Dargaud Bénélux et l'autre c'est Christel Hoolans qui est à la tête de Kana Éditions. Tous les ans à Angoulême, on va dîner dans un restaurant et je leur raconte toutes mes histoires en stock afin de voir s'il y en a une qui leur plaît, une sur laquelle on se retrouve etc. Et cette année-là, entre la poire et le fromage, ces deux éditeurs m'ont fait parler de Goldorak car ils savent que je suis un grand fan de l'œuvre de Go Nagai et que j'ai pas mal de jouets chez moi. Il ne m'en faut donc pas beaucoup pour que je me lance dans une histoire à laquelle je pense depuis quelques temps pour le plaisir. Et je raconte donc une histoire pour Goldorak qui serait l'ultime épisode de l'animé et qui se déroulerait une dizaine d'années après la fin de la série. À la fin du repas – et à la fin d'un bon quart d'heure de récit – Christel Hoolans de Kana me dit qu'elle doit partir au Japon dans un mois et que si j'arrive à mettre sur pied un projet artistique qui tient bien la route elle ira le présenter à Go Nagai, qu'elle connaît très bien ! Et c'était un véritable traquenard car Christel avait créé Kana Classics cinq ans auparavant avec l'idée un peu folle de refaire vivre des personnages de notre enfance (Albator, Goldorak, Saint Seiya…). Pendant ces cinq ans, elle a sillonné le Japon pour créer des ponts à la fois de confiance mais aussi juridiques avec de grands auteurs japonais. Il lui a fallait donc quelqu'un pour lancer ce projet. Ainsi, quand elle m'a fait parler de Goldorak, elle avait déjà en tête de mettre son idée sur pied. J'ai donc saisi la balle au bond et à partir de là, il a fallu réunir une équipe artistique et préparer un avant-projet qui tienne la route en seulement un petit mois afin de convaincre Go Nagai !

Xavier Dorison (à gauche) sur le plateau du TGS

Denis, tu es aussi un fan de Goldorak. Qu'est ce qui t'as motivé à venir travailler sur ce projet ?
Denis Bajram : Xavier savait que j'étais un grand fan de Goldorak et que je connaissais très bien la licence. Du coup, il m'a sauté dessus à Angoulême à la sortie de son repas à me demandant si je voulais faire Goldorak avec lui. Moi, je suis fan de Goldorak depuis que je suis haut comme trois pommes donc je n'ai pas réfléchi longtemps pour lui dire un grand oui. Je ne savais pas encore comment j'allais faire pour m'investir dans ce projet mais ma réponse était quand même oui ! (rires) Il faut savoir que ma toute première bande dessinée était une histoire de vingt pages de Goldorak quand j'avais dix ans… Je me suis mis à la BD pour pouvoir raconter des histoires de Goldorak ! Avec Xavier, on se connait très bien. On est des amis de trente ans et il était évident que je dise oui. Cependant, je n'étais pas tout à fait l'homme de la situation…

Pourquoi ?
Denis Bajram : Parce que Goldorak c'est un truc énorme ! Pour moi, le sommet de la montagne me paraissait très difficile à atteindre. En effet, moi je sais faire de la SF, je sais faire du grand spectacle, je sais faire des images qui claquent, je sais mettre en scène des rapports humains etc., mais il y a un truc que je ne savais pas faire : c'était de faire vivre des personnages de culture anime / manga. La culture japonaise a une façon particulière de faire vivre les personnages de manga et on n'a pas cette culture là dans l'univers de la BD franco-belge ou même du comics. Il y a quelque chose de vraiment particulier au Japon, que j'aime en tant que lecteur ou de spectateur d'anime mais que je sentais que je ne maîtrisais pas en tant qu'auteur. J'en ai donc parlé avec Xavier et j'ai pensé tout de suite à Brice Cossu. De plus, moi je fais de la « hard science », c’est-à-dire de la SF très réaliste, très crédible… un peu trop crédible pour du Goldorak ! J'avais donc peur de passer à côté du côté pop culture de l'univers de Goldorak avec ses extra-terrestres verts avec des oreilles en pointe, ses vaisseaux spatiaux façon soucoupes volantes etc. Ce n'est pas ma culture de SF ! Par contre, c'était tout à fait la culture de SF d'Alexis Sentenac. J'ai donc pensé à Alexis Sentenac et Brice Cossu. Et vu qu'Alexis était aussi présent au festival d'Angoulême, je suis allé lui parler de ce projet…

Qu'est ce que ça fait de travailler sur Goldorak après la sommité qu'est Go Nagai ? Comment appréhende-t-on le fait de bosser sur le projet d'un tel mangaka ?
Brice Cossu : On fait une légère abstraction au début, on fait en sorte d'essayer de ne pas y penser ! (rires). En fait, quand nous nous sommes réunis pour définir ce projet en sachant que Christel allait partir au Japon pour rencontrer Go Nagai, on a tous arrêté de bosser sur nos travaux respectifs pour se concentrer pendant plusieurs semaines sur Goldorak. On a fait plein de pages d'essai, de recherches sur les personnages, des illustrations, des notes d'intention etc. De son côté, Xavier a écrit une lettre à Go Nagai pour lui expliquer sa vision des choses. De base, on était contents de se dire qu'on allait envoyer un dossier sur Goldorak de dix pages au Japon et que Go Nagai allait le lire ! Et en plus on a eu un retour de sa part : il a dit oui ! C'était d'autant mieux ! (rires)
Quand on a commencé à travailler sur le projet, on s'est remis dans les peaux du jeune téléspectateur de l'époque et on a essayé de s'approprier au maximum le personnage.
Alexis Sentenac : C'est vrai. Et puis, on a travaillé d'après les émotions qu'on a ressenties en tant qu'enfant devant l'animé. On n'a donc pas pensé spécialement à l'œuvre complète de Go Nagai avec Devil Man et autres. On a juste travaillé sur le Goldorak qu'on a connu à la télé quand on était enfant. On est resté concentré sur ça. Pour ma part, c'est là que j'ai connu mes premières émotions de SF et ça m'a permis de me construire en tant qu'auteur…


Alexis Sentenac (à gauche) et Brice Cossu (à droite) en visioconf depuis le TGS

Est-ce qu'il existe un manga Golodorak / Grendizer ?
Xavier Dorison : Absolument. La série Goldorak existe aussi en manga. Mais comme l'a souligné Alexis, nous n'avons pas travaillé sur la suite de Grendizer et du manga, on a juste fait le soixante-quinzième et dernier épisode de la série animée française de Goldorak. On a donc décidé de faire la suite d'un univers qui est celui de la série Goldorak, celle qu'on a tous vu et qui est doublée en français !

Le projet de faire un dernier épisode de la série tient bien la route, mais qu'en est-il quand on en parle à Go Nagai ? Ça reste son œuvre…
Xavier Dorison : On a préparé et envoyé notre dossier en se disant que le temps de réaction du Japon serait entre sept et huit mois. Or, notre éditrice nous a indiqué avoir reçu une réponse de Go Nagai… huit à dix jours plus tard ! Elle nous a dit qu'il avait lu nos premières pages et qu'il avait adoré. Il a aimé notre synopsis, nos designs, l'esprit dans lequel on voulait développer ce dernier épisode et nous a donné carte blanche. (long silence) Là, je laisse planer un silence car c'est le silence qu'on a ressenti quand on a eu ce retour ! (rires) Et donc là, c'est le moment où il faut faire les contrats… et c'est long ! Très long. Nous, on n'était pas dans l'esprit de négocier quoique ce soit mais ça a tout de même pris un an car il faut savoir que les décisions au Japon sont prises collégialement. Et au bout d'un an, notre éditrice a enfin obtenu le précieux sésame ! C'est à partir de là qu'il a fallu commencer à écrire l'histoire. Pour ce faire, on a fait une liste de course… C’est-à-dire qu'on a listé tous ensemble ce qu'on aimerait voir dans Goldorak ! On n'a pas fait véritable un fan service, mais c'était plutôt une manière de vérifier qu'on voulait tous aller au même endroit, avoir le même ton, la même approche de la série, le même rapport au réalisme, le même rapport au sentiment etc.
Ensuite, Denis Bajram et moi avons commencé à réfléchir à comment mettre tout ça en ordre pour raconter une histoire qui tient la route. Le plus important ça a été de travailler sur ce qu'on va apprendre sur les personnages et sur ce qu'ils vont apprendre sur eux-mêmes. À partir de là, je me suis enfermé dans mon atelier pour travailler sur une première version du scénario.


En ce qui concerne la psychologie des personnages, on sent que la BD est plus mature que le dessin animé… Ce n'était pas difficile de travailler sur une psychologie des personnages plus intense ?
Xavier Dorison : En fait, on voulait une temporalité qui se déroule dix ans après le dernier épisode de l'animé. Les personnages ont donc vieilli donc forcément ils vont avoir des problématiques différentes. De plus, en ce qui me concerne, dans des sujets dits de propriété intellectuelle ou de licence, je fais toujours en sorte de rendre les récits plus adultes. C'est ce que j'ai fait sur XIII ou Thorgal, notamment.
Qui plus est, si on revoit les derniers épisodes de la série française, toutes les pistes du récit dont déjà présentes. En effet, on comprend que les envahisseurs de Vega ne sont pas tous des être violents et dégénérés. Au contraire, ils ne sont pas manichéens, ils ont des raisons de se battre, de vouloir trouver une planète pour y habiter… De même, on se rend compte dans les dernières saisons que les relations entre les personnages deviennent plus complexes notamment avec Actarus et Alcor qui ne sont plus aussi misogynes qu'au départ avec Venusia etc. On a donc juste pris tous ces fils et on les a tirés en y rajoutant quelques trames scénaristiques de notre cru.


Go Nagai a un style graphique très 70's. Comment s'est passée l'adaptation visuelle ?
Alexis Sentenac : Ça a été long pour trouver le bon ton et le bon trait pour harmoniser nos travaux respectifs. Brice et moi on est habitué à travailler ensemble (on a fait quelques albums tous les deux) et on arrive facilement à mélanger notre travail. Si bien qu'il est possible que sur une même case, l'un de nous dessine un œil, l'autre revienne dessus pour le modifier jusqu'à ce qu'on arrive à quelque chose qui nous convienne. On a embarqué Denis dans cette manière de fonctionner… Au début, ce n'était pas évident, on a bossé sur une vingtaine de pages avant de trouver le bon ton et au moins une soixantaine de pages pour définir le bon trait… Ça a été un numéro d'équilibriste plutôt ardu car il fallait qu'on puisse retrouver nos personnalités dans le graphisme tout en respectant l'œuvre de Go Nagai. On a donc travaillé sans définir des postes pour chacun d'entre nous. Ça nous a donc pris beaucoup de temps, mais on y a mis beaucoup de cœur ! Et ça se retrouve dans la BD…
Ceci étant, Denis avec son expérience a su jouer le rôle de directeur artistique voire même de papa pour faire en sorte de nous tirer vers le haut. Pas vrai, Denis ?
Denis Bajram : (rires) Alors, je ne sais pas si j'ai fait le papa ou le directeur artistique, mais j'ai fait en sorte de servir de colonne vertébrale entre tout le monde. En fait, j'étais le seul à avoir pu travailler sur les différentes étapes du projet, de l'histoire jusqu'à l'accompagnement de la couleur. J'ai fait en sorte de veiller à ce que tout le monde soit totalement content de son travail et qu'on ne perde rien en cours de route car ce projet s'est déroulé sur cinq ans.
Pour en revenir avec Go Nagai et son œuvre, il ne faut pas oublier qu'on a récupéré quelque chose qui a été mis en place en 1975 au Japon et diffusé 1978 en France. Il faut savoir que c'est avant Star Wars, le film qui a changé la façon de voir la SF et de la représenter. Quelque part, Goldorak c'est un héritage de Star Trek et de la SF des 50's avec les soucoupes volantes etc. Goldorak ressemble plus à une Cadillac qu'à un mecha des 90's car il est tout coloré et ultra brillant (rires). Le but du jeu pour nous c'était de faire franchir ce cap des années à Goldorak, aux personnages et même à une partie de l'histoire très ancrée dans les 70's (le message écologique, le pacifisme, …). Il fallait donc qu'on retranspose tout ça en 2020. Ça a été la tâche la plus difficile car il a fallu respecter cet esprit très fort du Goldorak de 1975, ses designs, ses personnages et leurs costumes tout en rendant tout ça crédible en 2020. Ça a été d'autant plus difficile car entre temps il y a eu Star Wars, Evangelion, The Avengers et bien d'autres œuvres qui ont profondément bouleversé notre culture visuelle de la SF. Il a donc fallu énormément travailler sur les designs et les couleurs, notamment. À ce titre, le travail de Yoann Guillo est formidable. Il a su utiliser les couleurs flashy des années 70's (rouge, bleu, jeune, rose…) pour les remettre au goût du jour en 2020 avec beaucoup d'aplomb. Ainsi, il est arrivé à rendre crédible et naturel des soucoupes volantes vertes et roses… c'est dire ! (rires) De ce fait, cette œuvre est à mi-chemin entre aujourd'hui et nos souvenir d'enfance…


Et il mesure combien, Goldorak ?
Alexis Sentenac : Trente mètres de haut.
Brice Cossu : Trente ou trente-cinq mètres…
Denis Bajram : On y a réfléchi au départ… et on s'est dit qu'il était très grand dans nos souvenirs. Selon les scènes, on est monté jusqu'à cinquante mètres ! Mais bon, dans le dessin animé ce n'est pas clair non plus. Si on s'y fie, il fait entre dix et cent cinquante mètres ! (rires)


Comment Go Nagai a réagi à vos dessins et croquis préparatoires, lui qui a son propre style ? Il vous a aidé ou aiguillé ?
Alexis Sentenac : En fait, au Japon tout est assez centralisé, très solennel. On a eu juste des retours très laconiques, comme des « ok ». On a fait valider chaque étape (storyboard, encrage, crayonné, couleurs, …) et on a toujours eu le feu vert pour tout. Il y a eu juste un moment où on a intégré dans le storyboard une image du dessin animé qui a été refusée. C'est le seul moment où on a eu un problème, mais il a été vite réglé.
Xavier Dorison : Ça prouve qu'il regardait tous les détails !


Vous n'aviez pas le droit de reprendre les designs d'origine ?!
Xavier Dorison : Si, c'est juste qu'on avait utilisé une copie d'écran du dessin animé pour illustrer le storyboard ! Sinon, les designs de notre BD sont les mêmes que le dessin animé tant au niveau de Goldorak, que des costumes d'Actarus ou d'Alcor, que du centre spatial, que de l'OVT…
Denis Bajram : On a même demandé des plans au Japon…
Xavier Dorison : Oui, le studio Dynamic Planning nous a envoyé des plans de l'OVT d'Alcor ! Comme le disait Denis, il a donc fallu récupérer tous ses designs pour en faire en sorte que ça ait l'air moderne. Pour cela, il a fallu travailler sur l'encrage, la couleur, le traitement des matières, la lumière etc. Au final, on a l'impression que Goldorak est vraiment en fer alors même que ça ne ressortait pas forcément dans le dessin animé…


Denis Bajram en visioconf au TGS

Au Japon, Grendizer ne connait pas le succès à l'inverse de Mazinger Z. C'est même un flop sous en France, en Italie et dans quelques pays du Maghreb. Est-ce que les japonais comprennent ce succès de Grendizer ?
Xavier Dorison : C'est précisément parce qu'on n'a pas eu Manzinger et Manzinger Z avant Goldorak. En Espagne, ils ont eu Mazinger et Mazinger Z et n'ont pas trop été marqués par Goldorak. En fait, il faut savoir qu'Alcor est le héros de Mazinger et le fait qu'il ne soit qu'un faire-valoir d'Actarus dans Grendizer n'a pas fédéré le public. En France, vu qu'il n'y a eu que Goldorak et qu'on n'a pas connu les antécédents avec Alcor, la série reste marquante. Les Japonais ne comprennent pas trop l'engouement autour de Grendizer en France et n'ont pas fait attention au piratage du personnage dans les années 1970 / 1980 (produits dérivés, utilisation abusive, …). Ça a été un choc pour Go Nagai de découvrir comment Goldorak a été exploité, notamment en France. De ce point de vue-là, on a fait en sorte de recréer de la confiance avec lui via Kana Éditions en lui faisant valider tous nos travaux.
Alexis Sentenac : À ce titre, il est à noter que notre travail d'auteurs s'est fait avec un total soutient de notre éditeur sur tous les plans, notamment en ce qui concerne la logistique, la traduction, le lien avec le Japon. On nous a fait totalement confiance et on a été impliqués à tous les niveaux sur tout ce qui s'est fait sur cet album. On a pu faire de cet album ce qu'il est car on nous a soutenus tout le temps et on a pu façonner le récit de fond en comble avec une totale liberté… C'est très important pour faire du bon boulot !


C'est une chance car on dit souvent que les auteurs japonais sont fermés sur leurs œuvres. C'est une chance que Go Nagai vous ait fait confiance…
Alexis Sentenac : Ils ont sûrement compris qu'il y avait Grendizer d'un côté et le Goldorak français de l'autre…
Brice Cossu : On a été super étonné. Quand dès le départ on nous a dit qu'il allait falloir attendre plusieurs mois pour avoir un avis sur le dossier qu'on a envoyé et que l'avis arrive en même pas dix jours, c'était fou ! J'ai trouvé ça tellement incroyable que tant qu'on n'a pas eu les contrats en main pour les signer, j'en n'ai pas même parlé à mes parents ! (rires)
Denis Bajram : Sur la dernière page de l'album, on a tenu à remercier Go Nagai. Ce n'est pas un remerciement de politesse ou formel, c'est sincère. On n'en revient toujours pas ! Pour moi, c'est comme si un de mes voisins avait acheté une Ferrari et qu'il me proposait de la conduire et de lui rendre quand je voudrais ! (rires) Go Nagai nous a donné les clés de son Goldorak et on a pu l'utiliser pendant cinq ans… c'est incroyable !


C'est quand même fou d'avoir pu remettre Goldorak au goût du jour…
Xavier Dorison : Il y avait une attente. Ça faisait quasiment quarante ans qu'on n'avait pas vu Goldorak et il nous a manqué ! Il ne nous a pas donné de nouvelle, pas de carte postale… rien ! (rires). En plus dans le dernier épisode de la série, c'est triste. Actarus et Phenicia quittent la Terre pour revenir sur Euphor. Ils laissent tous ceux qu'ils aiment derrière eux. La scène est émotionnellement puissante et réussie… mais on s'est tous dit à la fin de la série qu'on ne pouvait pas en rester là ! Et puis, il y a une frustration car Actarus a passé de nombreuses années sur Terre, il l'a défendue contre les forces de Vega et il s'en va. On est en droit de se demander si l'endroit où on habite n'est pas après tout l'endroit où on a des gens qu'on aime… ?

Est-ce que l'ascenseur émotionnel présent au travers de l'album a été prévu à la base ou bien est-ce qu'il est venu petit-à-petit ?
Xavier Dorison : Dans la mise en place du script, on travaille beaucoup sur le dosage des émotions et du rythme à créer notamment avec la mise en place des personnages mais ce qui n'est pas prévu c'est l'alchimie qui se fait entre le scénario et le dessin. Personnellement, je n'avais pas prévu d'être ému au travers de certaines pages. En effet, quand j'ai découvert le travail de l'équipe artistique sur le traitement des émotions, ils ont réussi à me prendre aux tripes et à me faire pleurer sur certains passages et de ce point de vue-là, l'ascenseur émotionnel n'était pas prévu.
Denis Bajram : Quand tout à l'heure je disais que je ne me sentais pas à la hauteur de travailleur seul sur ce projet, c'est aussi parce que je pensais que l'émotion devait être au cœur de la recherche. En effet, il est difficile de faire remonter des émotions qu'on a eu quand on était enfant. Ces émotions-là sont les plus incroyables, les plus fortes et le but c'était de les retrouver…
Alexis Sentenac : De plus, on a vécu une véritable aventure humaine avec cet album et l'investissement a été total en fonction de l'avancement du travail. Apparemment, ça se ressent dans cette BD. La résonnance des émotions qu'on a mis dans cet œuvre vis-à-vis du lecteur n'est jamais prévu et ça fait plaisir de voir que ça touche les lecteurs. On le voit en dédicaces quand on discute avec les lecteurs. On a touché quelque chose d'exceptionnel et je ne pense pas qu'on arrive à le refaire un jour !
Denis Bajram : Moi, j'ai pleuré pendant une séance de dédicace, ce qui ne m'arrive jamais…
Brice Cossu : Oui, on a tous vécu des trucs marquants avec les lecteurs et plus d'une fois on a dû se cacher sous nos casquettes…
Alexis Sentenac : On a fait cet album en étant des spectateurs de Goldorak de huit ans…


Vous avez touché les personnes qui connaissant la série mais aussi les plus jeunes…
Brice Cossu : Ce serait génial de toucher le public jeune !
Denis Bajram : Pour moi, ça a été le contraire : ma mère a lu et adoré l'album alors même qu'elle m'a toujours voulu m'empêcher de regarder Goldorak car elle n'aimait pas ça ! (rires)
Xavier Dorison : Ce qui est assez génial c'est que cet album qui s'adresse en premier lieu aux fans de Goldorak devient un vecteur de passation d'une passion car les parents le font découvrir à leurs enfants. Au-delà de ce transfert générationnel, on a découvert qu'il y avait une vraie communion autour de Goldorak avec le véritable plaisir à partager une aventure qui a touché beaucoup de monde. Pour de nombreuses personnes, Goldorak n'est pas juste un dessin animé mais plus que ça. Et nous en tant qu'auteurs, on est aux premières loges pour voir ça, et le spectacle est assez incroyable !


Dernière question pour toi, Xavier. Est-ce qu'il y a la possibilité de retrouver d'autres aventures de Goldorak après celle-ci ?
Xavier Dorison :Non, je ne pense pas. On a mis toutes nos tripes dans cet album. C'est comme si on avait gravi l'Everest ; on est heureux mais épuisés ! On n'a pas d'autre plan… désolé ! (rires)