L'histoire :
Au Maroc, en 1911, tandis que l’armée française tente de mâter la rébellion, une mitrailleuse Maxims canarde les troupes françaises. Un soldat avance néanmoins étonnamment à la rencontre du déluge de plomb, sans même vaciller. C’est une « sentinelle », c'est-à-dire un super soldat, doté de membres et d’une cuirasse en acier, qu’une drogue puissante aide à porter. Pourtant, aussi invulnérable soient ces sentinelles, un gros défaut demeure : l’énergie nécessaire à alimenter leur système. Car rapidement la batterie électrique tombe à plat et la sentinelle s’écroule, sans autre choix que celui de se faire exploser à la grenade, une fois rejoint par ses ennemis. Le colonel Mirreau, responsable du projet, assiste de loin à cet ultime échec. Trois ans plus tard, alors que l’archiduc François Ferdinand vient d’être assassiné à Sarajevo, le scientifique Gabriel Feraud présente au public sa nouvelle pile à radium, source électrique révolutionnaire, afin de débloquer des fonds pour la développer. Frileux, les banquiers refusent. Dans la foule, Mirreau, qui a compris tout le potentiel de l’invention, fait une offre financière… mais Feraud refuse catégoriquement de vendre sa pile à l’armée. En outre, le scientifique est mobilisé dans les jours qui suivent pour servir la patrie. Persuadé qu’une fois au front, Feraud ne pourra qu’accepter que son invention aide les militaires, le colonel Mirreau lui accorde secrètement un ange gardien, un colosse, ancien membre du projet sentinelle, surnommé Djibouti…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le synopsis de cette intrigue se résume tout de même à celui de Robocop, mais pendant la première guerre mondiale ! Or, aussi invraisemblable que cette idée puisse paraître, elle reste au demeurant palpitante de bout en bout dans ce premier opus. Les auteurs plantent admirablement bien le contexte de la grande guerre, aussi bien Xavier Dorison pour le scénario (mentalités va-t-en-guerre, dialogues soignés, expressions d’époque…) qu’en ce qui concerne le dessin (les costumes militaires, le petit côté désuet pour l’ambiance), ou la mise en page (chaque séquence est introduite par une illustration d’époque). L’artiste uruguayen Enrique Breccia se fait pourtant rare dans l’édition franco-belge (fils du célèbre Alberto, il n'a publié chez nous que 3 albums en 25 ans !). Il trouve ici un axe fantastique à la mesure de son grand talent, livrant des encrages soignés et une colorisation traditionnelle. De son côté, Dorison embrasse un nouveau mythe du fantastique, celui de la jonction robotique-organique, avec toute l’horreur qu’il véhicule. On retrouve le docteur fou, ses scalpels et ses seringues énormes ; l’opiniâtreté d’un leader sans aucune éthique ; l’homme devenu « créature » qui refuse a priori sa nouvelle condition... Et bien sûr tout cela s’accompagne de scènes gores à souhait, dans le pur respect du genre. On évolue quelque part entre Frankenstein, Terminator, Capitaine Conan et David Cronenberg ! En outre, cette mise en bouche fait montre d’une belle densité, sur 62 planches. Cerise sur le gâteau : à l'occasion du passage de la série chez Delcourt, l'éditeur offre en annexe avec la première réédition une interview exclusive de Xavier Dorison, illustrée par des inédits du dessinateur...