L'histoire :
Après la victoire de la Marne, Taillefer et ses troupes se trouvent englués dans les tranchées d'Ypres, au coeur d'une guerre de position sans vaiqueur ni vaincu. Le haut commandement militaire français hésite encore à produire en masse des « Sentinelles » à l'image de Taillefer. Les scientifiques travaillent en effet également au développement d'une arme qui pourrait faire une différence plus radicale sur l'ennemi : les gaz de combat. Kropp, le chercheur illuminé à l'origine des Sentinelles, fabrique un nouvel appareil qui permet à un homme de voler au dessus des troupes ennemies, propulsé par des fusées sur son dos. Mais l'armée allemande n'est pas en reste. Un programme appelé Ubermensch va envoyer sur le terrain un soldat dopé au Dexynal à haute dose. Sous une armure plus massive que celle de Taillefer, ce combattant hyper violent se lance sur les champs de bataille, tandis que les premiers conteneurs de gaz sont envoyés vers le front.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Toujours aussi étonnante et de plus en plus maitrisée, cette série continue de creuser l'histoire des grandes batailles de la première guerre mondiale à travers un regard totalement inédit. En imaginant un super héros au cœur des troupes françaises dans chaque étape de 14-18, Xavier Dorison déroule une intrigue à plusieurs niveaux. Le premier montre les combats livrés par le plus puissant des soldats, face à un ennemi devenu tout aussi puissant. De ce point de vue, le Taillefer dont l'apparence massive rappelle l'Iron Man des années 60 chez Marvel (une référence assumée par les auteurs) et son opposant allemand, offrent des planches impressionnantes de combats puissants. Un second niveau montre l'évolution morbide de cette grande guerre qui ne devait durer que quelques semaines, mais finit par devenir un des plus grands massacres de l'histoire. La créativité sans bornes des scientifiques et des états majors pour tenter de mettre au point une arme absolue qui fera la différence est très bien mise en lumière. Dorison nous y fait percevoir, par petites touches, ce que cette course morbide annonce de l'évolution technologique des guerres du XXe siècle. Enfin, l'album est dominé par une vision très humaniste de la vacuité de la violence qui marque l'histoire de 14-18, et de la solitude des hommes face à leur destin. Les français et les allemands sont mis à cet égard sur un pied d'égalité de l'horreur, poussés à faire des choix qui violent chaque jour leurs sentiments profonds. Sous son exosquelette de Taillefer, Féraud n'y échappe pas, participant à l'escalade mortelle qui emporte tout. Emmené par une mise en scène classique et incroyablement efficace du dessinateur Enrique Breccia, ce troisième tome est un bijou d'intelligence, parfaitement réalisé.