L'histoire :
New York, août 1932. Afin qu’une entreprise de cimenterie polonaise se retire d’un gros marché public convoité par la famille mafieuse de Lucky Luciano, les hommes de ce dernier sont passés à l’étape supérieure. Ils ont ainsi kidnappé Pete, le fiston de l’entrepreneur, et Agata, sa nièce, pour faire pression. Mais lorsque Lucky Luciano aperçoit la belle jeune femme inanimée dans son appartement, avec quelques contusions sur le visage, il comprend que ses hommes n’y sont pas allés de main morte. Sa fureur est terrible à l’encontre de celui qui a violenté Agata. Après l’avoir tabassé à coups de chaise et de tesson de bouteille, il demande à ce qu’on le jette littéralement à la poubelle. Dans la foulée, il demande à ce que le gamin soit rendu vivant à son père. Il garde Agata quelques temps auprès de lui, afin de s’assurer que le cimentier polonais respecte son retrait du marché de la digue. Néanmoins, sous le charme d’Agata, il installe celle-ci au sein d’une suite à l’hôtel Waldorf, avec un gardien qui se rapproche plus du majordome que du gorille. Une prison dorée… Bientôt, il se rendra compte de son talent de pianiste et lui proposera de se « racheter » en lui ouvrant les portes de Broadway. Mais pendant ce temps, la crise économique a plongé les USA dans la grande dépression. La présidence américaine change de camp. Avec son New Deal, le démocrate Roosevelt entend bien mener une politique d’assainissement des familles mafieuses…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans le premier tome, Olivier Berlion nous donnait à suivre deux trames narratives distinctes, qui convergeaient vers les dernières pages. Immergé dans la délicieuse ambiance des années 30 américaines dominées par les non moins délicieuses familles mafieuses, le lecteur s’attachait ainsi en parallèle à Charlie « Lucky » Luciano et à une certaine Agata Lietewski. Le premier est célèbre pour avoir authentiquement été « capo di tutti capi » (chef de tous les chefs) de la Cosa Nostra de New York, à l’origine des terribles « vêpres siciliennes » ; la seconde est un personnage de fiction, immigrée polonaise et talentueuse pianiste, dont va tomber amoureux le premier. Car c’est bien ce qui se produit – et c’était bien attendu ainsi – dans ce second tome. La jonction entre la belle et la bête se fait cependant selon des attirances et des trajectoires de destinées aux courbes inversées. D’un côté, sous l’égide de Roosevelt, les autorités américaines entament un long processus d’assainissement à l’encontre du syndicat du crime, ce qui réduit les marges de manœuvre de Luciano. De l’autre, le mafieux compense à sa manière le kidnapping qu’il a dû exercer sur Agata en lui ouvrant les portes de Broadway. A travers la reconnaissance de son talent et l’attrait du strass et des paillettes, Agata va trouver le bonheur au sein du Cotton Club… quand bien même elle se refuse obstinément à son « mentor », en mémoire de leur premier contact violent. Cette chronique mafieuse et sentimentale perturbée trouve avant tout sa raison d’être à travers la peinture exquise que fait Berlion de l’Amérique durant la grande dépression. Vues plongeantes sur la ville, appartements cossus, sales bobines de mafieux, vieilles bagnoles, règlements de comptes sanglants : le trait réaliste de l’auteur est en tout cas admirablement adapté à ce mythe fondateur du rayonnement culturel et économique des USA.