L'histoire :
En octobre 1929, Charlie Luciano a les poings ligotés et attachés à une poutre dans un garage de State Island (New York). Face à lui, Salvataore Maranzano exige qu’il assassine pour lui l’un de ses rivaux, Joe Masseria, ce à quoi Luciano s’est toujours obstinément refusé. Car s’il tue Masseria de ses mains, la loi d’honneur sicilienne l’empêchera de prendre son titre. La discussion s’envenime, Maranzano fera une longue balafre sur le côté droit du visage de Luciano et l’abandonnera en sang dans un terrain vague. En avril 1931, Luciano s’exécute néanmoins, sans avoir de sang sur les mains. Il déjeune dans un restaurant de Coney Island avec Messeria, puis s’absente une minute, officiellement pour aller aux toilettes. Pendant ce temps, quatre complices débarquent et truffent Masseria de plusieurs balles à bout portant. Maranzano jubile, car il est désormais le « Capo Di Tutti Capi » (chef de tous les chefs). D’apparence soumis et résigné, « Lucky » Luciano attend son heure pour monter un empire du crime. A la même époque, une jeune et belle polonaise prénommée Agata rejoint des membres de sa famille à Chicago. Elle passe péniblement le bureau de l’émigration à Ellis Island, puis se retrouve chaleureusement accueillie par la diaspora polonaise. Elle se voit attribuer un logement chez James, ancien boxeur et propriétaire d’un bar qui organise régulièrement des soirées jazz. Elle fera notamment un duo d’enfer avec Pete, son petit-cousin, qui joue du banjo. Son rêve de devenir professeur de piano est en voie de se réaliser…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’histoire de la mafia new-yorkaise des années 30 a déjà été plusieurs fois et excellemment racontée en BD (notamment dans Ce qui est à nous, par Chauvel et le Saëc ; et De silence et de sang, par Corteggiani, Mitton et Malès). Or étant donné le summum de crime organisé que cette époque a représenté, avec son lot d’assassinats rocambolesques, de manœuvres de corruption, de trahisons intestines et de petites négociations avec le pouvoir étatique, on comprend qu’Olivier Berlion ait été démangé par l’envie d’en proposer une nouvelle version. Celle-ci se fera a fortiori sous un prisme plus romantique, avec l’incursion du personnage (fictif ?) d’Agata dans la vie de l’authentique chef mafieux Lucky Luciano. Dans ce tome 1, nous suivons en parallèle, par séquences alternées, le tumultueux destin de ces deux personnages. On assiste ainsi d’un côté à l’ascension de Lucky Luciano, via la guerre des Castellammarese (qui culmine avec le meurtre de Masseria) et la nuit des vêpres siciliennes (qui se conclut par le meurtre de Maranzano). Berlion met bien en scène la modernité mafieuse qu’a suscité ce calculateur machiavélique, avec sa vision d’un empire du crime organisé et sa certitude que tout le monde est achetable, à partir du moment où on y met le prix. D’un autre côté, dans une ambiance bien plus vertueuse, Agata débarque à New York et s’installe progressivement dans une nouvelle vie artistique épanouie. Dans les dernières pages de ce premier opus (qui compte 74 planches !), une première rencontre est imminente... que l’on suivra assurément dans le tome 2. Artistiquement, Berlion déroule cette griffe propre qui n’appartient qu’à lui, réaliste et encrée, particulièrement soignée sur la reconstitution historique, les plans d’ensemble spectaculaires, et moult éléments et animations typiques de l’époque (les clubs de jazz, les intérieurs cossus, les vues en plongées sur big apple…). Les personnages sont souvent des réminiscences de ses précédentes œuvres, avec un Lucky Luciano sosie de son Kid de l’Oklahoma, une ambiance fière et sicilienne proche de Rosangella, et Pete, le fils de Cesary Adamski, qui a des airs de Sales mioches.