L'histoire :
Rome, 1495. Récemment sacré Pape, Alexandre VI doit faire face aux troupes du roi Charles VIII d’Anjou qui marchent sur Florence, désireuses de récupérer le royaume de Naples suite à la mort de Ferdinand d’Aragon. Cette menace va susciter un nombre incroyable de va-et-vient d’alliances plus ou moins éphémères pour contrer l’avancée de Charles VIII. Homme d'État d'envergure à la réputation sulfureuse, Alexandre VI choisit vite la voie de la diplomatie pour défendre l’Italie et sauver son siège apostolique en liguant contre la France une coalition composée du Roi d’Espagne, des ducs de Venise, de Milan et de l’Empereur d’Allemagne. Face à cette redoutable alliance, Charles VIII recule et regagne la France, laissant ainsi le pape reprendre habilement la tête de ses états. Si l'immoralité du pape Alexandre VI Borgia ne laisse aucun doute, et a tressé autour de sa mémoire une légende noire encore puissante aujourd'hui, ce pape n'en fut pas moins une sorte de génie politique. Face à de puissants ennemis intérieurs ou extérieurs comme le roi de France, le moine florentin Savonarole ou certains cardinaux aux ambitions aussi aiguisées que les siennes, Alexandre VI Borgia manœuvra toute sa vie pour préserver le Vatican et protéger sa famille. Une forme d'âge d'or pour Rome où affluèrent alors les plus grands artistes de l'époque pour parer la ville de mille trésors. Mais aussi, dans cette tornade de trahisons, de meurtres et de manigances sont semés sous ce règne les germes de la grande révolte à venir, le schisme protestant...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
6 ans après le premier tome, Simona Mogavino et Alessio Lapo concluent leur diptyque consacré à Alexandre VI. Et comme on pouvait s’y attendre, la série s’éloigne du simple portrait de pape sulfureux pour explorer la mécanique froide d’un pouvoir en équilibre instable. De fait, Mogavino construit un récit richement détaillé où Rome n’a rien d’un centre spirituel apaisé : c’est une machine politique et vorace où chaque geste pontifical répond autant à la diplomatie qu’au calcul familial. Alexandre VI y apparait ainsi en stratège pragmatique, obsédé par la survie de sa lignée dans une Italie fragmentée. Pour ce faire, la scénariste articule finement l’intime et le politique où les drames familiaux irriguent la narration et donnent chair à un personnage trop souvent réduit à sa légende. Sans complaisance, le récit dévoile l’instrumentalisation de la religion pour consolider le pouvoir mais laisse aussi entrevoir la vulnérabilité d’Alexandre VI lorsque les intrigues touchent les siens. Au dessin, Alessio Lapo signe des planches solides, expressives, parfois classiques mais efficaces dans leur manière de camper l’atmosphère lourde et raffinée du XVe siècle avec des décors précis qui donnent au Vatican un visage à la fois majestueux et inquiétant. Bref, ce tome réussit à rendre lisible une époque complexe sans sacrifier la densité historique et montre que derrière les fastes pontificaux se joue une bataille bien moins sacrée que stratégique…