L'histoire :
Alors que Sayar, censé être mort en Turquie, se planque avec la complicité de son frère Cugiz, ce dernier tente de faire vivre son association « Cité Jeune » avec l'aide de Vivianne, et de percer en politique. Mais c'est sans compter sur Sayar, véritable électron libre, qui décide de faire le ménage auprès des caïds de la cité dans une véritable fuite en avant, persuadé de n'avoir désormais plus rien à perdre. Cugiz, quant à lui, prend de plus en plus de risques pour couvrir son frère et perd de son aura de sauveur des jeunes de cités au profit des fondamentalistes, à mesure que son frère aîné s'enfonce dans la violence. Peu à peu, le rêve de projet humaniste et laïc du jeune étudiant en droit va voler en éclat et Cugiz va perdre au jeu cruel de la politique.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Deuxième et dernier tome du dyptique consacré à la banlieue lyonnaise. Le destin des deux frères turcs continue de frapper par son âpreté et sa peinture terrible des jeunes des cités-ghettos. Entre débrouille, violence et amitié, leur volonté de s'en sortir est constamment mise à mal par la froide réalité. Initiative bienvenue par rapport au premier tome : la présence d’un glossaire à la disposition des lecteurs, tant l'argot lyonnais des cités peut être déroutant pour les néophytes. Le scénario est plus complexe et embrasse beaucoup plus de sujets que le premier tome, nous conduisant de la politique aux guerres de territoire entre dealeurs, mais reste toujours aussi fascinant. Le dessin de Merwan est efficace et contribue de beaucoup à l'intérêt de l'histoire. Le dessinateur sait mieux que quiconque traduire les humeurs des personnages par un trait léché et expressif. La mise en couleur au pinceau dans les tons marron et gris est magnifique et semble ici rappeler l’ambiance mortifère des grandes banlieues dortoirs. Au-delà de l’intrigue policière, se glisse aussi une critique acerbe de la politique, prompte à surfer sur les faits-divers pour mieux asseoir son discours, écrasant tout concurrent qui montrerait la moindre faille. Pas de manichéisme néanmoins, cette histoire ne montre pas de véritables salauds, mais beaucoup de paumés auxquels on s’attache et qu’on aimerait voir s’extirper de cet enfer de béton. Bref, un très bon diptyque, terriblement d’actualité !