L'histoire :
Dans un pays africain rongé par la guerre civile, au cœur de la jungle équatoriale, un commandant militaire noir réunit les enfants soldats qu’il a patiemment entrainés et formés à devenir des bêtes sanguinaires. Le temps est venu pour eux de faire leurs preuves : ils vont devoir faire un carnage dans un village ennemi à trois heures de marche, uniquement armés de machettes. Le groupe qui en tuera le plus recevra une récompense. Parmi eux, se trouve Samy, un garçon d’environ 13 ans, qui redoute de devoir passer à l’acte. D’ailleurs, au moment précis de l’attaque surprise, une fois qu’il se retrouve face à une maman et à son enfant, Samy ne parvient pas à donner le coup de machette fatidique. Il reste immobile et tétanisé. Evidemment, les supérieurs qui observent l'assaut pour s’assurer de son absolue exécution, repèrent aussitôt cette faiblesse. Et Samy se fait vigoureusement sermonner. Or, plutôt que d’exécuter Samy – car on n’a pas besoin de femmelettes dans cette armée – ils le rééduquent d’une manière autrement plus immonde : en le faisant jongler plusieurs fois avec la tête d’une victime fraîchement coupée entre les mains. A quelque distance de là, les humanitaires du CICR accueillent une nouvelle venue, photographe, dans un camp de réfugiés…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après avoir traduit les romans de Patrick Rambaud centrés sur les conquêtes de la Grande Armée napoléonienne, le scénariste Frédéric Richaud se penche sur un autre corps de combat, autrement plus sordide : les enfants soldats, et notamment ceux des guerres civiles en Afrique noire. Il faut avoir le cœur bien accroché pour parcourir cet album, qui s’appuie pourtant sur une ambition humaniste parfaitement louable – l’album est parrainé par le CICR (Comité International de la Croix Rouge). Il faut avoir le cœur bien accroché car, d’une part, les exactions sanglantes des enfants soldats sont montrées de manière factuelle, dans toute leur horreur. De fait, bien que minutieux et éloquent, le travail réaliste du dessinateur argentin Rafael Ortiz n’a pas dû être des plus faciles à coucher sur papier tous les jours. Certaines scènes donnent la nausée. Mais répétons-le : cette violence n’est pas gratuite, elle sert la vocation pédagogique sur ce type de guérilla, qui pourrait se dérouler dans nombre pays d’Afrique (aucun n’est nommé, mais on pense évidemment à la RDC…). Il faut avoir le cœur bien accroché car, d’autre part, le scénario se concentre admirablement sur la question névralgique et tragique du sujet : ces enfants sont-ils des bourreaux ou des victimes ? Il n’y a sans doute pas pire immondice au monde que d’armer massivement des enfants et les habituer à tuer. Pour contrebalancer et inciter à positiver, l’ouvrage souligne aussi le travail et l’abnégation des travailleurs de l’humanitaire, en première ligne de tous les dangers et pourtant (majoritairement) résistants au désespoir. Un dossier didactique final de 5 pages approfondit les deux dimensions en les resituant dans l’Histoire récente et contemporaine.