L'histoire :
A 12 ans, sa mère lui a offert son premier livre de diététique… Depuis, elle connait la valeur calorique de la moindre cuillère à café de nourriture qu’elle ingurgite. Tout est sous contrôle… et elle pèse le même poids que lorsqu’elle avait 12 ans. Lui, sa mère lui trouve mauvaise mine. Elle s’étonne qu’il ne veuille même pas goûter de sa fameuse tarte Tatin. Et quand elle lui offre pour Noël un joli livre de recettes de cuisine, il aurait préféré qu’elle lui dise « je t’aime », tout simplement. Mais sa seule façon de le lui dire, c’est de cuisiner pendant des heures des petits plats… Elle se trouve définitivement grosse même avec son corps de 12 ans. Et quand elle ramène un mec dans son lit c’est juste pour qu’elle ait moins froid. Il utilise son corps pour se faire du bien. Elle s’en fout. C’est donnant, donnant. Il suffit juste, après, de bouloter n’importe quoi en grande quantité pour se faire vomir et se sentir bien. « Elle » et « Il » ne se connaissent pas. Ils vont chez le même psy sans le savoir. Quand ils se rencontrent, ils ne tardent pas à se trouver des points communs et avoir envie de se trouver un grand appartement pour tous les deux.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Difficile d’aborder le douloureux sujet de l’anorexie mentale. Pas simple de forcer l’empathie sans dramatiser, au risque de provoquer l’effet contraire et tenir alors à distance, ceux qu’on voulait intéresser. Quelque soit la manière, en tous cas il est indéniablement nécessaire d’en parler. Et pour ce qui est de la manière, Hubert et Marie Caillou, qui connaissent bien leur sujet, ont choisi deux ados. Deux presqu’adultes, qui ne font pas le show et admettent leur rapport à l’alimentation tout aussi facilement qu’il nous effraie. Pour l’un, c’est un ogre à dompter. Pour l’autre, un exercice de maitrise calorique de haute volée… « Il » et « elle » se rencontrent chez un psy, aiment leurs ressemblances et emménagent ensembles, uniquement liés par ce dégout, cette négation du corps, chevillés. L’association aura ses conséquences. Néfastes ou positives, voire l’inverse dans un entrelacs nous menant à une conclusion déroutante, dérangeante doucement onirique comme l’est d’ailleurs souvent le propos. Une approche qui, tout en donnant beaucoup de poésie (sombrissime) au récit, permet également d’appuyer sur l’existence d’une indéfectible scission entre corps et esprit chez les deux personnages. On comprend, au bout du compte, qu’en dehors d’un simple rapport alimentaire, c’est de la question de la nécessité d’une enveloppe charnelle dont il est question dans la maladie. Le sujet est difficile, troublant, dérangeant. Le graphisme est doux, élégant. Ses tons froids, ses visages fermés, nous laissent juste à bonne distance pour annihiler la violence du sujet, tout en nous empêchant de tourner la tête ou de fermer les yeux. Une drôle de rencontre avec cette maladie. Une nécessaire rencontre, en tous cas.