L'histoire :
Le 12 septembre 1760, le comte de Rohan se meurt, en son hôtel particulier. Ses derniers instants s'accompagnent d'un ultime élan de rage envers Voltaire, qu'il tient pour responsable de la déchéance de sa famille. Notamment, quelques années plus tôt, devant un large auditoire éclairé de la comédie française, Voltaire lui avait sorti : « Je commence mon nom, Monsieur et vous, vous finissez le votre ». Le comte de Rohan s'était vengé en envoyant des hommes corriger physiquement l'écrivain à coups de bâtons. Voltaire avait répliqué en publiant un pamphlet fort bien tourné à son encontre... Rohan avait alors joué de ses relations pour faire embastiller Voltaire.. 12 jours. Cependant doté d'un esprit vif, le libre-penseur a toujours le dernier mot et en cette ère des lumières, le verbe pèse de tout son poids dans une réputation. Sur son lit de mort, Rohan fait donc promettre à son fils qu'il le vengera, notamment en dénonçant Voltaire comme étant l'auteur du scandaleux roman Candide. Cet écrit publié sous un nom d'emprunt et sans autorisation royale, défraie alors la chronique mondaine. Charles de Rohan-Chabot s'en va donc démarcher le pire ennemi littéraire de Voltaire, le dénommé Jean-Jacques Rousseau. Hermite et misanthrope, Rousseau refuse et s'en va au contraire alerter Voltaire en son château de Ferney, à la frontière suisse. La simple idée qu'un écrivain majeur, fut-il son pire ennemi, puisse être la victime de manoeuvres séditieuses lui est insupportable...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La collection du Patrimoine des éditions Glénat revient dans ce one-shot sur un épisode épistolaire et néanmoins épique du siècle des lumières : la querelle qui opposa Voltaire au comte de Rohan et au passage, à Jean-Jacques Rousseau. Etant donné la qualité des écrits et des idées à mettre en exergue, il fallait bien deux scénaristes pour assurer le projet. Pari gagné grâce au duo Pierre Makyo et Frédéric Richaud, qui parviennent à hisser les dialogues à un niveau littéraire idoine, sans être trop pompeux, ni trop nombreux. De fait, le lecteur se passionne pour cette vengeance viscérale qui se heurte à l'un des plus brillants esprits de ce siècle. L'opus paraîtra certes trop court aux admirateurs de Voltaire, qui regretteront un focus par trop ciblé sur un épiphénomène de son oeuvre : la publication de Candide sous un pseudo. Cette histoire représente néanmoins un beau résumé de sa personne et du souffle de liberté éclairée qu'il a incarné. D'autres idolâtres se chiffonneront peut-être aussi de la présomption et de la facétie accordées par la narration au tempérament du philosophe. Ce caractère se révèle néanmoins cohérent et sans doute authentique, dusse t-il écorner un mythe. Au dessin, Didier Pagot se montre également à la hauteur, mettant en cases de belles scènes d'époque, aussi bien dans le paris mondain (les robes et les tuniques) qu'à travers la campagne paysanne du XVIIIème siècle.