L'histoire :
Zola et son frère François découvrent aux infos télé qu’un suicidaire vient d’être sauvé de la défenestration par Hyperclébard, le super-héros en vogue. Zola est d’autant plus touché par cette info, qu’il connaît le suicidaire en question : il s’agit de Rohmer Bec, directeur de collection chez Chatterbooks, la maison d’édition où Zola est lui-même manutentionnaire. Au micro d’un journaliste, Rohmer Bec explique son désespoir : le propriétaire de Chatterbooks l’a licencié sans raison, après 18 ans de bons et loyaux services. Le lendemain, Zola en cause forcément avec ses collègues du boulot et découvre la vraie raison de ce licenciement : le patron a embauché un nouvel éditeur, Jean Rufeu, qui a pour mission de « dépoussiérer » la collection grand-public – c’est à dire d’en dynamiser les ventes. Ce contexte délétère, tout autant que la personnalité arriviste de Rufeu, déprime un peu plus Zola, qui a des ambitions d’auteur. Il dessine en effet chaque soir des planches de divers projets BD, mais n’ose pas les proposer, persuadé qu’il ne correspondent pas aux canons voulus par les éditeurs. Entre son job et sa passion, Zola rend aussi visite régulièrement à sa mère, dans l’institut psychiatrique où elle est internée pour son Alzheimer – ce qui n’arrange pas son moral. Et puis un jour, un rendez-vous avec Rufeu aboutit à une proposition concrète : Zola est embauché pour réaliser les décors d’une nouvelle série à succès. Il est surtout déçu que ses projets à lui ne soient pas retenus. C’est alors qu’il lui arrive un truc incroyable. Alors qu’il défriche le jardin délaissé de sa maman, il sauve un bourdon de la noyade. Or pour le remercier, l’insecte s’adresse à lui et lui propose de l’aider : avec des milliers de copains bourdons, ils se collent tous à sa peau, ce qui forme une combinaison qui peut le faire voler ! Et en lui donnant à boire une dose de « gelée royale », Zola se retrouve super fort ! Le voilà devenu un nouveau super héros...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
David de Thuin avait défrayé le petit monde du 9ème art en 2014, en réalisant une fable insectoïde de 1000 planches, La proie. Il nous épate de nouveau avec cette chronique zoomorphique, dans une veine sociale très proche du Lapinot de Lewis Trondheim. Dans cette chronique d’un auteur de BD en plein malaise et en mal de reconnaissance, l’un des déclencheurs de l’intrigue allégorique demeure un insecte : des bourdons procurent au héros le super pouvoir de voler et de venir en aide providentiellement à la veuve et l’orphelin. Pour autant, le propos n’a rien à voir avec une énième aventure de super-héros, et cet emprunt n’est pas non plus gratuit. En creux, de Thuin dépeint le milieu de l’édition BD en une mise en abime amère et subtile. Directeurs de collection et auteurs valsent entre les griffes d’un milieu plus malléable par le mercantilisme que par la qualité des œuvres et le respect du public. Tout cela sent le vécu – ou du moins l’analyse pointue d’un système un tantinet pervers. Tous les gens sensibles à l’artisanat du 9ème art (surtout) se laisseront absorber par ce destin contrarié. Au-delà du microcosme de la BD, de Thuin écorne aussi les réflexes psychologiques, le conformisme social, les postures prémâchées, en jouant avec tout ce qu’il faut de fausses-pistes et d’ellipses pour exciter l’intérêt du lecteur. Le dessin de cette vaste clique de personnages zoomorphiques est lui aussi d’une belle maîtrise, mis en scène avec savoir-faire. Et les dialogues ne sont pas en reste. En bref,