L'histoire :
El Topo était un bandit qui ouvrit les portes de son cœur. Il devint un saint, au point de pouvoir accomplir des miracles. Il avait un fils, Caïn. Il l’abandonna alors qu’il était enfant. Devenu adulte, Caïn retrouva son père pour le tuer. Mais il ne put accomplir sa vengeance. El Topo décida donc de tuer son fils. Pendant ce temps-là, les protégés d’El Topo quittèrent leur tunnel. Ils se rendirent dans le town et furent éliminés par la population locale à coups de fusil. Cet événement eut le don de réveiller la colère d’el Topo qui châtia tous ces porcs. Il provoqua dans la foulée un cataclysme qui recouvrit le pays d’une croûte aride. Il proscrit ensuite toutes les armes à feu au profit des armes blanches. Son second fils, Abel, naquit. Afin d’empêcher Caïn de mettre à exécution sa vengeance, il interdit à quiconque de lui adresser la parole ou de le regarder. Condamné à ne pas exister, Caïn devint un paria. El Topo s’immola par le feu. Une ruche s’installa sur sa tombe et des milliers d’abeilles s’invitèrent. Le mausolée devint alors un lieu de culte à la gloire du Saint...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Alejandro Jodorowsky est l’électron libre, un touche-à-tout, de la bande dessinée au cinéma. Au 7ème art, tout le monde connaît l’anecdote de son adaptation de Dune, tombée à l’eau, avec un casting incroyable : Moebius et H.R. Giger au décor, Orson Welles et Salvador Dalí au casting. Presque 10 ans plus tard, David Lynch s’empara du projet. Le franco-chilien est aussi connu pour avoir créé des séries mythiques du 9ème art comme La caste des Méta-barons, L’incal, Bouncer… Avec sa nouvelle série Les fils d’El Topo, Jodo réalise une suite à son western métaphysique El Topo sorti en 1970, dans l’indifférence totale des grandes salles. Ce film a connu une carrière bis, via notamment un réseau de salles indépendantes. À New-York, il fut projeté à l’Elgin, un théâtre de quartier, à minuit, après la projection des films têtes-d’affiche. Un succès qui fit naître le concept du « cinéma de minuit ». Dans Les fils d’El Topo, on retrouve les thèmes de prédilection de l’auteur : le mysticisme et la métaphysique. Il nous transporte dans un monde teinté de réel et d’imaginaire où les références bibliques sont légion (Abel et Caïn, la Saint-Suaire, l’eau bénite, Lucifer, l’Église et la mariée). La violence qu’elle soit physique, psychologique ou sexuelle, est omniprésente. Les aficionados de Jodo seront servis avec ce premier album d’une trilogie (Abel, tome 2 et AbelCaïn, tome 3 suivront). Les autres seront déroutés. Ce qui frappe ici, c’est la qualité du dessin de Ladrönn qui s’illustre en interprétant magistralement la pensée narrative et ultra-symbolique de Maître Jodo. Il y a du Moebius dans ce dessinateur mexicain connu pour ses comics. Les cadrages en cinémascope et le découpage sont brillants. A l’instar de Niko Henrichon, Valentin Sécher et Ladrönn, les disciples de Jodo sont lancés et ne manqueront de prolonger la bonne parole du Maître.