L'histoire :
De son enfance dans l'ouest de la France, Loïc Pasquet garde le souvenir du goût des fruits, des champignons, des repas familiaux, et d'une passion très précoce pour les bouteilles de vin, qu'il collectionne sans les boire. Son grand-père foulait aux pieds les raisins de sa production, mais l'idée de devenir vigneron n'a pas encore traversé l’esprit du jeune garçon lorsqu'il débute ses études supérieures. Après des années sans trouver sa voie, au sortir d'une école d’ingénieurs, Loïc va avoir la révélation. Il n'existe pas dans le bordelais de vin de lieu, qui serait comme les vins de bourgogne attaché à son terroir, avec des raisins qui y auraient toujours poussé. Ses recherches vont le conduire à dénicher le tarnay, un raisin disparu mais qui constituait le cœur de la production d'une partie du territoire des Graves actuels. Débute alors une aventure folle, irréaliste, impossible. Loïc veut recréer un vin de Bordeaux comme il en existait avant le phylloxéra, au XIXème siècle, quand les crus du bordelais ont acquis les lettres de noblesse sacralisées par le classement de 1855. Il achète donc des terres et commence un travail hors normes, qui va à l'encontre de toutes les prescriptions. Pas de machine, des pieds de vigne rapprochés, des cépages francs de pied, sans greffe. Un combat individuel pour aboutir à la création d'un vin comme il n'en existe aucun autre.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La passion d'Eric Corbeyran pour le vin est décidément sans limites, ce nouveau livre très pointu - mais facile à lire - en est la preuve. L'histoire de ce vigneron qui décide contre vents en marées de faire revivre les cépages les plus anciens du bordelais est un sujet d'initiés. Chaque bouteille valant plusieurs milliers d'euros, on suit le parcours de ce puriste de la vigne sans réaliser au début de notre lecture que son travail va devenir un objet de culte. Et sans savoir évidemment à quoi peut bien ressembler ce produit rare qui est le fruit d'une vie de travail. Le cheminement semble naturel, pourtant les embûches que Loïc Pasquet rencontre auraient de toute evidence fait reculer les plus courageux. On vit les difficultés à ses côtés, sans toutefois que la personnalité du vigneron transparaisse derrière cette épopée. Eric Corbeyran délivre de nombreux messages qui fleurent bon la nostalgie des temps anciens, quand les pommes avaient du goût et que les enfants passaient leurs vacances chez des grands-parents à la campagne. Ce ton général choisi par l'auteur contraste finalement avec la réalisation ultime d'un vin que seuls les plus riches peuvent aujourd'hui envisager de découvrir. Le dessin de Horne rend la découverte plutôt agréable, un lavis de noir et blanc et nuances de gris proche de ses personnages, souvent en gros plan. Des dialogues peu nombreux mais beaucoup d'explications, pour un album qui constituera pour de nombreux lecteurs une découverte totale. Et qui forcément va se conclure par quelques clics sur internet, et des yeux écarquillés devant le prix d'une des 550 bouteilles de Liber Pater produites en 2015.