L'histoire :
Suivant la mission que l’Ordre lui avait confiée, le confesseur Aurès a décapité la sorcière Nakara et en a scrupuleusement rapporté la tête à l’abbaye. Il ignore que le père Gatien a rangé ce trophée dans une cave secrète, aux côtés de dizaines d’autres identiques de la même sorcière Nakara ! Pour l’heure, Aurès regrette presque d’avoir accompli sa mission et ses supérieurs s’en rendent compte. Il est rongé par de curieux cauchemars, où il se voit dans un monde contemporain qui n’est pas le sien, en train d’empêcher – en vain – une apocalypse. Le père Gatien demande au confesseur Rutger, le principal rival d’Aurès, de le surveiller. Une nuit, « la limace » (une femme monstrueuse) fait pénétrer Aurès dans les sous-sols de l’abbaye et lui montre le mystérieux laboratoire de Gatien. Il y découvre avec stupeur des ordinateurs, une bibliothèque et la collection de têtes de Nakara… et se fait prendre la main dans le sac par Gatien et Rutger. Emprisonné, il est alors visité par la mère Yaël qui libère ses souvenirs à l’aide de substances. La limace, elle, a pu s’enfuir. Elle a rejoint sa mère défigurée, une dénommée Ariane, au sein d’une ville en ruine jouxtant une ancienne centrale nucléaire, une zone étrangement proche mais jamais découverte par les hommes de l’abbaye…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Vu le cliffhanger du premier tome, on s’y attendait un peu : cette série n’est pas si médiévale que ça. Et pourtant, un ordre monastique ambitionne d’y éradiquer une sorcière, les modes de vie, décors et tenues sont archaïques, et l’on s’y bat à l’épée. Ce tome 2 se raccroche pourtant volontiers à la science-fiction et à l’ésotérisme. Quel mélange étonnant ! Le scénariste Pierre Boisserie a maintenu moult secrets durant le premier tome et il lâche enfin quelques clés… et de nouveaux mystères. Les révélations se montrent en effet parcimonieuses et le gros de l’intrigue demeure (volontairement) ultra-flou. Sans trop en révéler, avouons tout de même que l’origine de la problématique vient de notre XXIème siècle contemporain (ce monde médiéval âpre et hermétique est donc notre futur… chouette !). Le contexte est donc post-apocalyptique, mais surtout très malléable. Notamment, le temps n’est plus un repère fiable : un bébé peut devenir femme en quelques jours et les héros semblent plus-que-centenaires, malgré leur gangrène totale ou partielle par une sorte de lèpre radioactive. Les enjeux, surtout, demeurent très vagues : il s’agit toujours d’éradiquer une sorcière (qui telle l’hydre ou le phœnix renait sans cesse), mais qui peut se révéler une solution, alors qu’en fait elle est à l’origine du problème. Vous n’avez pas compris ? Nous non plus. Ce qu’on comprend surtout, c’est l’intention (risquée et agaçante) de conserver l’effet de surprise pour le troisième et dernier tome à venir. Lucien Rollin déroule quant à lui son savoir-faire séquentiel : l’ensemble est impeccablement mis en scène, cadré, proportionné et rythmé suivant un trait sûr et régulier… avec toujours ces petits défaut qui font la griffe de l’auteur, dont une panoplie restreinte d’expressions faciales. Les monstres humains et le contexte « médiéval » rappelleront aussi quelques souvenirs aux lecteurs du Torte.