L'histoire :
En mai 1755, une bande de naufrageurs attire un voilier en approche vers des récifs de la côté acadienne (nord-est du continent américain). A bord, un équipage hétéroclite s'organise à la hâte et met deux chaloupes à la mer, après que leur navire s'est abimé sur les brisants. Les passagers de l'une d'elles sont « cueillis » sur la berge par les naufrageurs, armes à la main... Mais malgré leur état d'épuisement, la belle Emie, qui semble diriger les rescapés, lance l'attaque en premier, fulgurante et sans vergogne. Les naufrageurs sont massacrés. Avec mille précautions, dignes de bandits professionnels, le groupe rejoint ensuite le repaire des naufrageurs, une grotte vide, pour s'y reposer et s'y restaurer. Le lendemain matin, ils constatent les dégâts sur la berge. L'autre chaloupe s'est écrasée et leurs autres compagnons sont tous morts. Ils n'ont pas le temps de récupérer quoique ce soit dans la carcasse du navire échoué, qu'un détachement de soldats anglais est repéré en approche par leur homme posté au guet. Les naufragés s'enfuient. Mais qui sont-ils ? Quelle(s) quête(s) communes ou indépendantes suivent-ils sur ce nouveau monde, où les dangers pullulent ? Notamment, Emie est motivée par un objectif vital : retrouver ses enfants. Mais comment se sont-ils rendus maîtres de leur voilier ? Ils ignorent encore que le capitaine britannique Elgrave, qui a essuyé leur mutinerie, a lui aussi survécu. Et il se voue corps et âme à sa vengeance...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce premier tome ne perd pas de temps pour nous embarquer à bord d'une grande aventure sauvage. Initialement, on ne sait rien des protagonistes, sinon qu'ils sont des colons du territoire américain. Ce sont les évènements et les flashbacks qui permettent au lecteur d'appréhender leurs personnalités petit à petit. Ou du moins, de cerner les motivations des survivants, car sur les premières pages, c'est une véritable hécatombe. Sur un territoire inconnu, aussi bucolique que sauvage, et donc périlleux, une héroïne se détache clairement. La gracieuse Emie du titre et de la couverture prend psychologiquement le contrepied de la noble condition dont elle semble issue : elle dirige, tue et endure la mort de ses camarades sans grands sentiments. On apprend qu'un objectif maternel viscéral l'anime (elle veut retrouver ses enfants), a contrario de ses « alliés » de circonstance, dont les motivations demeurent obscures... pour le moment ! De même, l'étonnante efficacité de chacun pour les « opérations commando » sera sans doute éclaircie au cours des tomes à venir. A condition de survivre, toujours, car entre les anglais, les français, les indiens et la nature sauvage, il n'y a que des ennemis sur ce Nouveau monde. A peine la saga western Ethan Ringler terminée, Denis-Pierre Filippi et Gilles Mezzomo rempilent donc une collaboration, pour un récit éminemment épique localisé sur la même région, mais un siècle plus tôt. Par le biais d'une narration mature et chiche en éclaircissements, Filippi livre une mise en bouche néanmoins riche en évènements. Chez le lecteur, le procédé a le triple avantage de scotcher à l'aventure, d'en offrir largement pour son argent et de savamment l'appâter pour en savoir plus. Très à l'aise dans le mouvement et les cadrages, Mezzomo peaufine quant à lui son dessin semi-réaliste, très pro et agréable à l'oeil. Un excellent départ, donc...
