L'histoire :
5 juin 1568, Bruxelles. Les comtes d’Egmont (gouverneur de la Flandre et de l’Artois) et de Hornes s’apprêtent à être décapités, pour l’exemple, reconnus coupables de trahison. Ce sont des opposants à la politique de Philippe II, roi d’Espagne, qui règne en tyran sur les Pays-Bas. Cette décision, c’est Ferdinand Alvarez de Tolède, Monseigneur le Duc d’Albe qui l'a prise. Par cet acte, il cherche à éteindre la révolte menée par Guillaume de Nassau, prince d’Orange, à la tête des Gueux, qui combat pour la liberté de la Flandre. Il est aidé dans sa quête par cinq hommes, dont le Duc ignore tout, tant le nom que le faciès. Pour découvrir l’identité de ces traîtres, le Duc d’Albe cherche à mettre la main sur un tableau les représentant, réalisé par un peintre mystérieux. Il a demandé à Don César Blasco de Lopez, plus connu sous le nom de « Diable Rouge » de le trouver. Mais sur le terrain, rien n'est simple : le Diable Rouge doit faire face aux insurgés qui lui tendent un piège…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pieter Bruegel est un artiste inclassable. Loin des standards de la Renaissance Italienne dont il est contemporain, il préfère l’univers démoniaque et onirique de Jérôme Bosch. Sa peinture burlesque, qui vire au grotesque, se consacre davantage à la représentation de la misère qui frappe les pauvres et les infirmes, ce qui lui permet de dénoncer les maux de l’humanité avec philosophie. Ici, c’est son célèbre tableau Les Mendiants, conservé au Musée du Louvre, qui sert de fil narratif à l’album. Il représente cinq mendiants culs-de-jatte, dont on ne sait s’ils dansent ou si leur attitude est dûe à leurs malformations congénitales. Cette scène quotidienne, pleine de satire, dévoile une société malsaine corrompue courant à sa perte. C’est François Corteggiani, connu pour sa longue collaboration à Pif Gadget (Marine ou encore l’Archer Blanc, avec Jean-Yves Mitton) qui relate un pan de la vie de Bruegel. Son intrigue se focalise sur le tableau des Mendiants, laissant à Bruegel un rôle mineur dans le récit. Il s’attache à dévoiler la cruauté de l’époque où les insurgés étaient décapités à tire-larigot, finalement pas très loin de la barbarie actuelle de Daesh. Le twist final montre l’absurdité de la chasse aux sorcières. Graphiquement, Mankho réalise une prestation solide avec des scènes d’action crédibles. Bien documenté, il croque avec un certain classicisme ce XVIème siècle nébuleux et reste fidèle à l’esprit de Bruegel en injectant quelques éléments fantasmagoriques. Pieter Bruegel s’inscrit dans la lignée des meilleurs tomes de la collection des Grands Peintres.