L'histoire :
En mai 1857 au large de Kyvore Island. La Désirée, un bateau transportant un cortège de bagnardes enchaînées qui se dirige vers Cayenne, est secoué par une violente tempête au large de l'Irlande. Heurté par un récif, le bateau fait naufrage dans les profondeurs de l'océan, entrainant avec lui toutes les prisonnières. Parmi elles, Julie Saintange, une femme aux yeux rouges qui va miraculeusement survivre à ce qui ressemble à l'apocalypse. Malgré ses chaînes, Julie survit à la noyade. Elle échoue alors au pied d'un phare perdu en pleine mer. Adam Scott Shagreen, sorte de gardien d'un Purgatoire irlandais, lui offre l'hospitalité dans ce bout du monde isolé de la civilisation. Cette belle femme, il ne la connaît pas. Pourtant, l'existence de Julie Saintange ressemble à une tragédie : son mari, Bernard Sambre, est mort, et leur fils commun, Bernard-Marie, leur a été volé alors qu'elle même a été condamnée au bagne et poussée au suicide par un fantôme. Elle, en revanche, semble « condamnée à vivre », malgré la tristesse et la mélancolie. Ses souvenirs sont hantés par les fantômes de ces êtres tant aimés et chéris. Traquée par les autorités mais aussi protégée par Shagreen, Julie va tenter de reprendre des forces sur l'île, en attendant une lueur d'espoir...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le passé est à la fois mystérieux et lourd de névroses ; à chacun de se débrouiller avec, semble nous dire Yslaire. Entamée en 1985, la série Sambre (sur laquelle Yslaire œuvre désormais seul) propose de retracer la généalogie de la famille du même nom, entre malédiction et passion, romantisme et tragédie. Attendu depuis 8 ans, le tome 6 ne décevra pas les fidèles, mais ne les fera pas non plus rêver. Yslaire ne prend en effet aucun risque narratif ou graphique : interrogeant limites et angoisses de ses personnages, tout en montrant leurs qualités, l'auteur sonde le sentiment amoureux à l'épreuve du temps et de la mort. Et il est toujours question, bien sûr, des yeux rouges des Sambre, symboles de mystère, miroirs du malheur mais aussi sources de passion et d'amour. Très classique dans son déroulement et son message, cet opus ressemble à une parenthèse optimiste dans cette série au long cours, avec un passage par le purgatoire, histoire pour Julie de se reposer et d'alléger un temps son âme. De toute façon, « elle est condamnée à vivre », contrairement aux personnes qui auront le malheur de l'aimer. Graphiquement, pas de révolution non plus : le trait d'Yslaire est toujours ciselé et dynamique, rehaussé par un habillage stendhalien en rouge et noir, à la tonalité mélancolique. Même si c'est bien fait, on ne peut s'empêcher de penser qu'Yslaire se repose un peu sur le succès de la série. Une série d'ailleurs considérée par beaucoup comme un classique du 9e art. Donc pas d'enthousiasme démesuré, ni même de déception pour cette saga familiale aux multiples déclinaisons, toujours belle et agréable à suivre. A l'image de La Guerre des Sambre, avoir lu la série dans son intégralité permettra d'en apprécier toute la saveur.