L'histoire :
Vinci quitte Milan sans avoir achevé la fresque de la Cène de Santa Maria delle Grazie. Or, les meurtres sanglants suivent son trajet et se reproduisent à Florence… puis à Venise. Partout le même scénario : d'étranges créatures dotées de surprenantes capacités laissent leurs victimes sans vie, après leur avoir découpé le visage. Flanqué du jeune Salaï, et passant ses soirées avec une mystérieuse compagne, Vinci poursuit son travail de commande dans chaque ville où il séjourne. Mais son obsession perdure : quel visage donner à Judas, comment représenter au mieux le mal, la bassesse et la lâcheté. Où trouver la part d'ombre qui permettra à la lumière, à la vérité, de jaillir sur son tableau. Petit à petit, le prévôt milanais Vittore rapproche les indices qui émaillent les meurtres successifs. Tout conduit inexorablement au seul point commun possible entre des connaissances scientifiques et anatomiques hors du commun, au seul homme qui pourrait être à l'origine de ces horribles crimes…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
De manière relativement transparente, les auteurs nous mènent à travers l'album vers une conclusion qui semble inexorable. Rythmé par les extraits de la rencontre entre François 1er et l'abbé Antoine à Vauluisant, quelques années après les faits autour d'un mystérieux tableau inédit de Vinci, ce polar historique se déroule avec une grande rigueur. La montée vers la révélation finale est progressive et évidemment maitrisée par ce duo de grands professionnels de la BD classique. Les enchainements et la précision de détails s'accumulent sans défaut pour aboutir à une conclusion… surprenante ! Comme dans le premier tome, les paysages de ville (ici Florence et Venise) sont magnifiques. Le lecteur les attend comme une récompense, au milieu de personnages toujours terriblement austères et quelque peu « raides » (le style de Gilles Chaillet depuis... 1976). Mais on aurait tort de bouder son plaisir. L'enquête qui imagine un Vinci torturé par la recherche de l'illustration parfaite du mal est originale et pourrait donner lieu à bien des discussions sur les motivations et les inspirations des artistes de génie. Le scénariste Didier Convard n'hésite pas à pousser assez loin les hypothèses sur les inventions de Vinci, en faisant fonctionner à merveille des appareils qu'on imagine plutôt s'écraser lamentablement à leur premier essai. Mais peu importe, on est au cœur d'un ouvrage de fiction historique, dont la crédibilité tient avant tout à sa remarquable documentation, et à l'utilisation de personnages qui ont réellement parcouru l'histoire. Saluons la démarche de ces deux auteurs qui n'ont plus rien à prouver, si ce n'est le plaisir d'emmener le lecteur au milieu d'un contexte historique original, superbement illustré.