L'histoire :
Trois planètes et autant de civilisations composent la galaxie du triangle : les bellicistes Rodacrus et Tokamal et la pacifiste Havonia. Cette dernière est aussi la moins peuplée : elle ne comporte qu’une seule ville d’un millier d’habitants, qui se consacrent la plupart du temps à chanter en groupe, en méditant. Selon la jeune et sage Siad Oyoune, ces chants cosmiques ont une grande influence pour l’équilibre des peuples et de l’univers. Cependant, sur Tokomal, le conseiller du roi annonce à son souverain que d’importants gisements d’yttrium ont été découverts sur la voisine planète d’Havonia. Or ce minerai de plus en plus rare est à la base de toute leur technologie… et un surcroit de technologie leur assurerait un avantage certain sur leur ennemi héréditaire rodacrusien. Les Tokomaliens envoient donc une délégation pour négocier l’exploitation du minerai avec le grand mandjit Soloumane, chef spirituel d’Havonia. Or, très affaibli par la vieillesse mais parfaitement lucide et visionnaire, Soloumane refuse en bloc. Qu’à cela ne tienne : ce que les tokomaliens n’obtiennent pas par la diplomatie, ils le prennent par la force. Et tandis que Soloumane s’éteint et transmet le secret de toute une vie à sa nièce Siad Oyoune, les puissantes armées tokomaliennes attaquent…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Sous les allures d’une série de science-fiction, par le biais de civilisations spatiales éloignées, le scénariste Pierre Makyo pointe du doigt en réalité nos viles mentalités terriennes. Dans cette histoire, en effet, certains prônent le respect de la nature profonde, lorsque d’autres, bien plus puissants, sont aveuglés par l’exploitation des ressources, qui leur assure hégémonie et croissance. Pour la possession d’un minerai, l’Yttrium, l’intrigue débouche sur une guerre galactique tragique et s’ouvre à un dénouement « spirituel », ou une « force » de l’esprit comparable à des ondes à hautes fréquences… capables de communiquer avec notre Terre en défiant notre modèle physique connu. La boucle est bouclée : la guerre galactique qui constitue 80% de ce premier tome a beau être établie chez des peuplades éloignées de millions d’années-lumière, leurs problématiques se trouvent ainsi rattachées à notre contexte contemporain. Makyo semble donc s’être imprégné de thématiques courante en SF (les minerais de Dune, la « force » de Star Wars…) pour poser les bases solides de ce premier opus. La narration est d’une limpidité confondante, mais tout de même nettement moins « pataude » que cellle qu’emploie Jodorowsky dans ses récentes œuvres. La mise en image revient à l’italien Mauro de Luca, qui montre une nouvelle fois que son coup de crayon réaliste a des bases solides, mais quelques (rares) passages un poil négligés (quelques finitions et/ou proportions auraient mérité un coup de gomme, ex : Mentis p.34). Cela n’empêche pas de s’enthousiasmer pour cette mise en place prometteuse, au sein d’un registre trop rare ces derniers temps dans le 9ème art…