L'histoire :
Dans une église de Harlem où il balaye le sol, Malcolm échange quelques mots avec un vieil homme, et le croise à nouveau un peu plus tard en rentrant chez lui. Alexander Birke est un voisin, et il tient absolument à ce qu'ils jouent ensemble aux échecs. Ils font plus ample connaissance, Alexander raconte comment il a fui l'Allemagne avec sa femme Rachel quelques décennies plus tôt. Malcolm de son côté vient d'apprendre que sa fiancée le quitte, tandis qu'une jeune sergent en uniforme l'aborde avec insistance dans la rue pour qu'il s'engage dans l'armée. Les américains sont sur le terrain en Afghanistan, et les services de communication de l'armée cherchent un candidat pour devenir un héros américain symbolique. Avec son passé de détenu qui a purgé sa peine, sa religion musulmane, Malcolm a été ciblé pour une véritable campagne de propagande. Mais il va accepter le deal, à la condition de pouvoir se rendre en voiture vers son incorporation, et traverser les Etats-Unis pour quelques étapes importantes. Le vieil Alexander va lui prêter sa voiture, un vieux modèle Est-allemand de collection, et décider de faire la route avec lui. En chemin, Malcolm sera filmé pour accompagner le story-telling des services de recrutement.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Gérard Goffaux nous plonge dans l'ambiance de ce nouveau scénario du regretté Philippe Tome avec quelques codes graphiques familiers : les pages sur fond noir comme dans le génial Berceuse Assassine, et après le flash-forward d'ouverture une séquence silencieuse très cinématographique dans les rues new-yorkaises. Les fans de Tome sont en terrain connu, et vont plonger avec passion dans un des tout derniers scénarios du génial créateur de Soda, terminé juste avant sa disparition. Il faut prendre le temps de la lecture et de la relecture pour apprécier pleinement cet album très construit, et de quelle manière la vie de Malcolm et de son vieux compagnon de route s'expriment dans ce road-trip qui n'a rien d'anodin. On va bien entendu découvrir des choses sur les motivations du futur soldat, mais bien plus que cela. Au milieu du récit, une petite séquence établira un lien avec Sur la route de Selma, un des albums les plus emblématiques de Tome. Les deux récits ne sont pas liés, sauf dans une certaine continuité de destins, et évidemment dans cette passion pour l'Amérique décrite de l'intérieur. Goffaux s'est accompagné d'un coloriste au cahier des charges exigeant fait d'une multitude de nuances de gris et de marrons avec quelques touches de rouge. Redj imprime sa patte sur l'atmosphère du récit, lui donnant une profondeur et une gravité particulières. Le dossier en fin d'album est passionnant, Goffaux y partage des anecdotes sur son travail de plusieurs années avec son scénariste perfectionniste. Plus qu'un scénario inespéré d'un des grands de la BD franco-belge, La Mort à Lunettes est tout simplement un excellent one-shot, grand-public et profond à la fois.