L'histoire :
Les hommes à la sieste, c’est maintenant l’heure des femmes. Réunies autour du samovar préparé par la jeune Marji, les trois générations de Satrapi prennent place. C’est parti. A chacune, tour à tour, de dévoiler ses mésaventures conjugales. Le premier point est rapidement tissé par la doyenne, grand mère séductrice opiomane qui a sauvé son amie d’enfance du déshonneur, le soir de son mariage, grâce sa géniale invention de la lame vaginale. Court intermède avec un débat sur la beauté du prépuce et ça repart. Que ce soit arrangé à 13 ans avec le sénile général Mafakherolmolouk, un pédépsychopathe britannique ou pire un exilé helvétique aristocrate, le mariage tourne systématiquement à la catastrophe. Finalement, le meilleur mari c’est l’amant. Car, attention, les jeunes filles d’aujourd’hui ne sont plus ce qu’elles étaient !Elles ne reculent désormais devant rien, même aux services de la chirurgie : un nez trop royal, de la graisse à transférer, voire même une « broderie intégrale » ; tous les moyens sont bons pour tromper son époux. Surtout, pas question de le laisser interrompre la séance de « ventilation »; on continue et au lit le mari.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dès les premières pages, on tombe sous le charme de Marjane Satrapi. Attention, ne pas confondre Broderies et Brodeuses car, ce que ces femmes manient avec le plus d’habileté, ce ne sont pas leurs doigts mais bien leur langue. Mariages arrangés ou d’amour, locaux ou à l’étranger, en Iran aussi les histoires d’amour finissent mal. Et en général, la faute en revient au conjoint: infidèle, lâche, vaniteux, abusant sans scrupules des élans cardiaques des jeunes filles en fleurs. On comprend alors facilement leurs fantasmes pour le mâle européen, érigé en super héros romantique et libérateur. Evidemment, ce ne sont qu’une fois plus que des désillusions. Au travers de leurs différentes mésaventures conjugales se tisse sous nos yeux un patchwork de la condition féminine iranienne, dans une société patriarcale où, après la famille, le mari se charge de prendre le relais pour dicter les devoirs de sa femme. Mais ces femmes ont beau être victimes de la gente masculine et, peut être, de leur naïveté, pas question de faire couler les larmes. Il s’agit plutôt d’amener le lecteur à réviser ses préjugés. Et si leur vie peut paraître douloureuse, l’espoir existe car « les mentalités évoluent même chez les hommes ». Si elles semblent soumises, le visage enfoui sous leur voile, à visage découvert, les rôles s’inversent. Les mâles n’ont plus leur mot à dire et marchent au pas. En tous cas chez les Satrapi, qui n’est sûrement pas une famille comme les autres. Après les épisodes de Persepolis, Marjane Satrapi lève le voile sur un nouveau monde intime, interdit aux hommes, où les musulmanes, resexualisées, prennent le pouvoir. Ces femmes là n’ont pas dit leur dernier mot, on peut bien leur recoudre les voies génitales, on ne leur fermera jamais la bouche…