L'histoire :
Brigitte Findakly est née à Mossoul d'un père irakien et d'une mère française. Elle a donc été baptisée deux fois : par un prêtre orthodoxe puis un prêtre catholique. Elle se souvient que sa maman était abonnée à un magazine féminin et il manquait des photos sur les dernières pages du journal qui présentaient les sorties des 45 tours. Cela correspondait aux chanteurs juifs comme Enrico Macias. Dans son enfance, le pays est marqué par des coups d'état et des luttes militaires. Son père offre même un pistolet à sa femme pour se défendre au cas où, pendant son absence. Mais sa mère a tellement peur qu'elle enterre l'arme dans le jardin. Les partis se succèdent et avec eux leurs aberrations. Il est entre autre interdit de parler politique. Le cinéma est ennuyeux et la littérature inexistante. Alors tout le monde aime parler sur la vie des autres et critiquer par des commérages incessants. La maman de Brigitte est l'une des rares personnes qui ne divulgue pas les informations qu'elle entend. De fait, beaucoup de personnes se confient à elle. Aujourd’hui, Brigitte ne se souvient de plus grand-chose sur l'Irak. Après les attentats du 13 novembre à Paris, elle entend beaucoup de personnes critiquer les musulmans et leur religion violente. Brigitte sait que c’est faux, même si elle aimerait donner plus d’exemples de son passé en Irak...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La compagne de Lewis Trondheim, Brigitte Findakly, est coloriste de bande dessinée. Dans ce récit multi-coopératif, les deux comparses assurent les textes, Trondheim le dessin et Findakly les couleurs, pour raconter en BD la vie et l'enfance de Brigitte. Bien évidemment, le couple a choisi la maison d'édition l’Association, créée par Lewis Trondheim, pour publier cet album. Cette autobiographie dépeint donc la vie d’une jeune fille évoluant en Irak, puis en France, où elle est devenue l’artiste que nous connaissons aujourd’hui. A travers de multiples anecdotes, son quotidien nous est dévoilé de façon vivante et précise. Il faut dire que Brigitte se plait à mêler les souvenirs divers et variés, des plus anodins au plus marquants. La chronologie aléatoire peut dérouter, car ses souvenirs se mêlent et se dévoilent au gré de sa pensée, comme si sa mémoire se mélangeait. L’impression disparate s’estompe cependant grâce au ton employé. L’écriture est faussement naïve, Brigitte raconte en toute candeur des anecdotes parfois sidérantes sur le fonctionnement de la politique irakienne. Cette voix off pleine d’innocence rappelle celle de l’enfance. Elle est d’autant plus terrible qu’elle met en avant l’absurdité des hommes. De nombreux passages sont d’autant plus tristes qu’ils sont racontés avec beaucoup d’ironie : les ravages de la guerre, les aberrations administratives françaises, les difficultés de gagner sa vie dans l’un ou l’autre pays. Tiraillée entre la France et l’Irak, la famille vivra des moments pénibles, tragiques par moment. L’œuvre montre également à quel point il est difficile de revenir dans son pays d’origine et de s’adapter à des coutumes opposées. Heureusement, le ton est parfois léger et drôle et l’œuvre brosse tous les instants de vie, bons et moins bons. Certaines anecdotes sont amusantes, notamment la découverte de la culture française. Cette autobiographie est aussi un beau portrait d’une femme forte qui parvient à trouver sa voie entre deux pays et deux cultures, son ascension artistique. Lewis Trondheim rend ainsi un bel hommage à sa femme en croquant les personnes qu’elle a côtoyées avec beaucoup de douceur et d’humanité. On a même quelques photos de son passé, comme un album de souvenirs. Les couleurs, vives et douces à la fois, sont en parfaite harmonie avec le dessin et le ton de l’album. Cette autobiographie touchante met en lumière le quotidien d'un pays finalement peu connu en France.