L'histoire :
Hanneriina a 10 ans lorsque, en ce week-end d'été, son père Seppo, avec qui elle vient de passer de bons moments dans un musée contemporain doit laisser le cocon familial pour un séminaire au bord de l'île d’Ivari, située sur la partie méridionale du lac Kallavesi. Cet informaticien âgé de 52 ans, a semble-t-il un peu trop bu, comme l'ensemble de ses collègues ce samedi soir. Et après une tentative ratée de départ en barque devant eux, il s'éloigne du camp planté sur la plage, pour ne plus revenir. Le lendemain, des recherches et le dragage des environs directs, où s'est semble-t-il déroulé la disparition, ne donnent rien. On appelle alors sa femme, à qui l’on apprend la terrible nouvelle. Hanneriina, sa petite sœur et leur maman vont rentrer dans une période d'attente, de doute, de questionnements, puis de dépression. Avant qu'un semblant de deuil n'arrive, dix ans plus tard, lorsque Seppo est officiellement déclaré mort, sans pour autant que son corps ait été retrouvé.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A la lecture de Tango volver, on ressort avec le sentiment d'avoir vécu une expérience à la fois littéraire, graphique, plastique et poétique. Humaine aussi et surtout. Hanneriina Moisseinen, déjà responsable de La terre perdue (2018 chez L'An2) délivre en effet un récit autobiographique fort, faisant office, comme elle l'explique en note finale, de mémorial à son papa n'ayant pas eu de sépulture. Son écriture est mature, sensible, et ses souvenirs collectés, retransmis par le biais de différentes mises en pages, très lisibles. Son dessin plutôt réaliste, crayonné, se révèle à travers des gaufriers de quatre bandes ou à l'occasion de pages plus aérées. Le style est typique de certaines dessinatrices scandinaves, comme on a déjà pu le constater, entre autre, avec Joanna Hellgren (Frances, Cambourakis 2008-2012), mais davantage précisé ici, mettant en valeur les paysages forestiers et d'îlots, et surtout complété par ses nombreuses broderies. Ces Käspaikka, petits tissus utilisés généralement lors de rituels religieux, mariage ou enterrement, s'insèrent parfaitement et à part entière dans le récit, telles des cases organiques, proches des récits autochtones de certains indiens d'Amérique. Une sorte d'histoire dans l'histoire, témoin d'un monde parallèle, tel celui qu'aimerait pouvoir visiter l'autrice afin de peut-être y retrouver son père. Hanneriina est désormais revenue d'un long voyage lui ayant offert une sorte de paix, et comme le chante Carlos Gardel dans son Tango Volver (1935) : « J'ai peur de la rencontre avec le passé qui revient faire face à ma vie. J'ai peur des nuits remplies de souvenirs... Je garde caché un humble espoir, c'est toute la fortune de mon cœur... Revenir... » Un mémorial à la flagrante beauté intime.