L'histoire :
Amir et sa famille habitent à Téhéran. Le vieil homme semble lassé de tout. Il faut dire que sa femme, Parvanè, est très malade. Il prend soin d'elle et doit désormais tout gérer. Alors quand il reçoit la visite de sa fille Shirin, il est content de pouvoir se confier un peu à elle. Mais sa joie se transforme en colère quand, au bout de quelques minutes, cette dernière lui demande de l'argent. Shirin ne voudrait qu'un tout petit prêt, mais c'est déjà trop pour son père, qui la traite de vautour et lui tourne le dos, pour se rendre au chevet de son épouse, qui ne quitte plus le lit. Il pousse un cri quand il entre dans la chambre et comprend que le pire est arrivé : Parvanè est partie... Il doit dès lors s'occuper des funérailles. Et quand il demande une aide financière à ses trois enfants, Reza, l'aîné, lui répond qu'il doit payer l'appareil dentaire de la petite. Mohammad lui dit que cela aurait été volontiers, mais qu'il a déjà trois loyers de retard. Quant à Shirin, elle voulait de l'argent de son père pour changer sa machine à laver... Amir n'est pourtant pas au bout de ses peines car Parvané a fait un testament par lequel elle lègue à sa famille un terrain, dont il ignorait l'existence. Des orangers, des pommiers et un noyer plusieurs fois centenaire qui vont attiser la cupidité de ses fils...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Gelsomino est d'origine iranienne. Ses voyages à Téhéran ont inspiré à cette autrice l'histoire d'Azizam (qui signifie en persan «très chère»). Sous ses aspects de comédie, elle évoque en filigrane la condition des femmes et le poids culturel qui les ramène à être la dernière roue du carrosse dans une fratrie. En choisissant de traiter avec légèreté un sujet aussi grave que les dissensions familiales, elle donne un aspect souvent comique aux querelles de ce père endeuillé, qui n'en peut plus de voir la cupidité de ses enfants. Et qui, paradoxalement, ne s'indigne que bien trop tard auprès de ses fils. En effet Reza et Mohammad n'ont de cesse de priver leur sœur de ses droits. Parce qu'elle est une femme. Derrière ces personnages aux faux airs de caricatures, Gelsomino dresse un portrait sans concession de la société iranienne et du mal que le régime de Khomeini (à peine suggéré) à pu faire auprès de la plus grande partie de la population. C'est ainsi qu'on voit Amir et sa femme Parvanè jeunes et épanouis, puis basculant dans une interprétation de l'Islam qui laisse la petite Shirin sur le carreau éducatif, les deux frères étant ceux à qui on a toujours tout laissé passer... et qui sont devenus deux goujats. Car finalement, la seule belle personne de cette histoire, c'est cette femme voilée, Shirin, qui traverse les épreuves et conserve l'amour de sa famille, celle qu'elle a fondée. Ce beau récit révèle au fur et à mesure une profondeur qui n'est pas soupçonnable, avec son début façon comédie italienne et dont les dessins aux aquarelles séduisent immédiatement. L'italienne Valeria Guffanti signe ici sa première BD et il est certain qu'elle a un bel avenir dans le milieu. Un album surprenant et attachant.