L'histoire :
Ernesto prend conscience qu’il est condamné à mort, à moyen terme désormais. Il est en effet en train de passer le cap des soixante ans et pose un regard à la fois mature sur sa condition présente et nostalgique sur les années passées. Il est toujours en couple avec Lola, mais il lui annonce qu’il va partir quelques jours pour faire le point. Seul et en Irlande, là où ils sont jadis allés en couple. Lola se pose tout de même des questions : aurait-il une amante ? Ernesto la rassure vite : il fait juste une sorte de crise de la quarantaine, mais à 60 ans. Rien de grave. Juste le besoin de prendre du temps pour lui, pour se préparer psychologiquement à ce qui les attend. Certes, ils discutent souvent du monde actuel dans lequel ils vivent et qui file à 100 à l’heure, notamment lorsqu’ils dinent avec des amis de leur âge. Ils parlent forcément un peu politique, mais ils ont laissé les vieilles idéologies partisanes de côté, loin derrière eux, car ils ont compris que vouloir refaire le monde ne changeait rien à son inéluctable marche. Alors ils s’en amusent plutôt, notamment en partageant via leurs smartphones les mèmes (objets culturels numériques) qu’ils dégottent sur les réseaux sociaux…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans sa préface, l’auteur espagnol Bartolomé Segui explique qu’à l’aube de la soixantaine, il prend conscience qu’il lui reste 15 ou 20 ans pour prendre seul ses propres décisions, avant que d’autres ne les prenne pour lui. Les feuilles du calendrier ont tendance à tomber de plus en plus vite, alors il est grand temps de réfléchir sur la meilleure manière de ne pas se tromper sur les derniers moments. Il convoque pour cela deux de ses héros de ses premières œuvres, du temps où il travaillait sur Barcelone, qu’il avait un peu laissés de côté : Ernesto et Lola. Ces personnages de son âge ont logiquement vieilli, tout comme lui, et ils posent sur leur couple, sur leur cercle intime de famille et d’amis, et sur la société en général, un regard attendri et lucide quant à la funeste condition humaine. C’est à peu près tout – et c’est déjà pas mal – pour ce petit ouvrage en one-shot, qui se déroule sur un dessin stylisé aux teintes passées ( ! ). L’auteur et son alter-ego Ernesto alternent les discussions attablées et les réflexions contemplatives en milieu plutôt urbain, de soixantenaires nostalgiques. Ils se savent « Boomers » et définissent au plus clairvoyant ce terme : nés après le babyboom, ils sont devenus adultes au XXème siècle et vont laisser « un certain monde » en héritage aux suivants, avec leurs regrets et une nécessaire distance pleine de maturité. Voilà… ce bilan des 60 piges n’est pas joyeux-joyeux, mais le ton n’est pas non plus aux funérailles déprimantes. Il fonctionne aussi pour le bilan de la dizaine précédente… ou la suivante.