L'histoire :
Deux touristes anglais sont en voyage en France. Alors qu'ils longent une rivière, ils aperçoivent une petite maison de campagne nichée dans les feuillages. Plus qu'une maison, cette demeure est en fait la propriété d'un cuisinier français de renom, Émile, dans laquelle il tenait un restaurant gastronomique, comme l'indique leur guide voyage. Hélas pour les visiteurs, leur guide est daté : Emile est à la retraite et le restaurant est désormais fermé. Émile, lui, préfère sa nouvelle vie entre balades champêtres, culture du potager, essais ou création de recettes et parties de pêche. Il a désormais plus de temps et de liberté pour s'adonner à sa passion, la cuisine. Son leitmotiv : le plaisir. C'est au cœur de son potager, en compagnie d'un ami, Régis, qu’Émile est le plus heureux. Régis, très sûr de lui et beau parleur, aurait vu le fameux « Esox Lucius », un poisson mesurant au moins un mètre et pesant 15 kg. Régis l'a vu, mais il lui a été impossible de l'attraper. Entre Régis et Émile, rendez-vous et pari sont donc pris : les deux compères se retrouveront le lendemain à 5 heures, près du petit bois, pour essayer de le pêcher : il sera question d'apprivoiser la bête et de montrer son aptitude à domestiquer la nature, ou plutôt à s'y adapter...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tranquillité de l'âme, modération, recherche des plaisirs simples et peut-être au bout, l'ataraxie, l'absence de trouble. Voilà le joyeux programme de Conte de la rivière, balade épicurienne qui navigue aux frontières du rêve et de l'ineffable, avec en point de mire la quête de bonheur. Raison pour laquelle le graphisme de Sarah Masson, associant larges à-plats colorés, collages, pochoirs et dessins assemblés par infographie, prend le parti de la suggestion narrative empreinte de délicatesse, de douceur et de lenteur. Souvent contemplative, l'histoire est en elle-même très simple : on suit les parcours de trois personnages et d'un poisson, l'« Esox Lucius », au tempérament un brin farceur : très grand et imposant, pourtant impossible à pêcher et objet d'un défi... Écoulement simple d'une vie faite de menus plaisirs, le récit est aussi celui d'un questionnement sur la création (en dessin, en cuisine), toujours lié aux thèmes de vie et de mort. Fluidité du courant, volatilité des fumets, clapotis de l'eau : entre saveurs et odeurs, une promenade champêtre silencieuse en forme de célébration des harmonies et du bien être. Le défi était enthousiasmant, mais à trop vouloir suggérer une ambiance sans jamais réellement dévoiler ses intentions, l'auteure peine à nous captiver. Si bien qu'on termine la lecture sans savoir quoi penser de cette nouvelle poétique. Certains passages trop rapides ou évasifs, nous laissent franchement perplexes (celui de l'ado dans la forêt, par exemple). Si visuellement Conte de la rivière dégage un charme bien réel, il peine toutefois à convaincre en matière de narration. Le rythme assez lent n'est absolument pas en cause ici ; c'est plutôt le propos qui est flou, plat ou timoré. Résultat : le récit, privé de souffle et ponctué de non-dits trop silencieux, est parfois trop simpliste. Il y avait sans doute matière à offrir un conte plus stimulant et moins flottant.