L'histoire :
Harcelés par des trolls qui leur assènent des contre-vérités scientifiques avec aplomb et agressivité, le scénariste Pascal Marchand et le dessinateur Jean-Benoît Meybeck se réfugient en hauteur, dans un arbre. Attristés par cette bêtise ambiante, ils se demandent comment on a pu en arriver là. Et par extension, à partir de quand a-t-on commencé à chercher à comprendre l’univers ? En somme quand est née la science ? Sous l’antiquité, on faisait beaucoup d’observation et c’est l’empirisme qui a alors permis de construire la plupart des outils et de déduire des théories, mais qu’on rattachait alors aux croyances. Par exemple, les 5 étoiles qui bougeaient dans le ciel nocturne – Mars, Mercure, Jupiter, Vénus et Saturne – ne pouvait qu’être des dieux. L’écriture et les mathématiques ont aussi été créées pour des utilisations pragmatiques : règlementer, définir un territoire, organiser le commerce, calculer un impôt. Mais quid de la réelle démarche scientifique, qui exclut le hasard, les divinités et les aléas naturels ? Car la science est l’ensemble de la connaissance des lois des phénomènes naturels. Cette démarche émerge du côté de l’empire grec, au VIIème siècle av. JC, et on l’appelait encore « philosophie naturelle ». On localise la première école et les premiers savants connus à Milet, sur la côte Ouest de la Turquie actuelle…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les inquiétudes et les incompréhensions autour de l’épidémie de Covid et les défiances actuelles envers les autorités établies ont récemment remis en selle les sceptiques, les poils-à-gratter et les conspirationnistes de tous poils. De quoi inciter les toulousains Pascal Marchand (professeur en communication et en épistémologie) et Jean-Benoît Meybeck à tenter de remettre un peu d’ordre dans la vocation et les origines de la Science avec un grand S. Assaillis par des trolls – au double sens de fantasy dans la forme et de bêtise polluante dans le fond – ils se mettent en scène en train de deviser et de faire avancer leur pensée et leur érudition sur les racines de la démarche scientifique et de ses principaux acteurs sous l’antiquité grecque. Cette manière de procéder dans la réflexion, classique dans les BD à vocations pédagogique et historique, se rapproche des dialogues entre Platon et Socrate. Elle permet de dynamiser la démonstration et de contrarier immédiatement les mauvaises pistes, quitte à faire passer avec autodérision le dessinateur Meybeck pour l’inculte de service, au profit de la sagesse et du savoir du professeur Marchand. La démarche a de l’ambition : cet Eurêka se concentre uniquement sur la première époque des idées scientifiques, sous l’antiquité grecque. Mais quatre autres volumes sont au programme : Azimut (la complexité médiévale et l’âge d’or de la science arabe), Cogito (sous la Renaissance), Révolutions (époque moderne, début XIXème siècle), Big Bang (fin XIXème et XXème siècle). Pour l’heure, nous sommes donc invités à la rencontre des démarches et déductions de scientifiques et philosophes célèbres (Thalès, Pythagore, Héraclite, Socrate, Hippocrate, Démocrite, Platon, Aristote, Épicure, Euclide, Archimède, Galien), ou moins connus (Anaximandre, Anaximène, Anaxagore, Empédocle, Archytas, Eudoxe, Aristarque, Ératosthène, Apollonios). Pour l’aspect graphique, Meybeck use d’un trait encré charbonneux stylisé et d’une bichromie de teintes bleues, promenant ses deux personnages à travers les lieux, les époques ou les contextes abordés. L’ouvrage de 200 pages à couverture souple qui en résulte est logiquement riche, très riche… et même s’il aurait parfois mérité d’aller à l’essentiel et de faire l’économie de palabres cabotins, il livre une foule de notions essentielles, didactiques et profitables.