L'histoire :
Juin 1910, dans la Drome provençale, entre Taulignan et Venterol, Charles Bouscaret conduit son bolide de vingt chevaux à vive allure. A son bord, il a embarqué son père, l’évêque Jacquemin et un moine. Le prélat à le cœur au bord des lèvres quand, soudain, au détour d’un virage, ils sont surpris par une bonne sœur en cariole. Le chauffard a juste le temps de stopper son véhicule au museau du cheval. Sœur Thérèse se rendait au couvent avec 5 nouvelles pensionnaires : des orphelines ou des filles de la rue. Les Bouscaret expliquent à l’ecclésiastique qu’ils donnent du travail et une vie descente à ces indigentes. Les sœurs leurs amènent de la main d’œuvre pour les ateliers. En échange, les Bouscaret financent le couvent de Sainte Blandine où Sœur Thérèse dirige le pensionnat avec une autorité des plus strictes pour en faire des filles de bonne moralité, de futures épouses profondément chrétiennes.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette histoire met un coup de projecteur sur le phénomène des usines-couvents qui s’est développé à partir du XIXème siècle jusqu’au début du XXème. Sous couvert de bonnes œuvres, des industriels qui ont pu compter sur le soutien de l’Eglise, ont profité de la misère sociale pour exploiter les plus vulnérables et ainsi disposer d’une main d’œuvre bon marché. Les patrons « offraient » le gîte et le couvert, tandis que les religieuses s’occupaient de l’intendance et de l’éducation de ces jeunes gens. La plupart du temps, ces pensionnats étaient installés à proximité des lieux de production pour optimiser la productivité. Evidemment, à l’époque, on ne se préoccupait pas de droit des salariés, de conditions de travail, ni même d’âge minimum pour aller au turbin. Les sanctions et autres retenues sur salaires étaient monnaie courante et les bonnes-sœurs pas des plus indulgentes. Cette histoire met en scène des femmes qui vont travailler dans la production de soie. Henriette, dont le visage aurait été brulé dans un incendie, est une recrue au fort caractère qui va entraîner d’autres pensionnaires dans son sillage. Au même moment, un des fils du patron devenu vagabond, fait son grand retour après 7 ans d’absence. Entre lui et Henriette va naître une relation sentimentale. Si la fin de cette histoire est assez convenue, elle n’en demeure pas moins captivante, car elle nous plonge dans la France industrielle du début du siècle dernier avec des patrons paternalistes et sans complexe soutenus par la religion. A ce contexte social consternant se greffe une intrigue amoureuse entre 2 protagonistes qui ne sont pas issus du même monde mais qui partagent certaines valeurs. Les personnages ont du relief et ne laissent pas indifférents. Un cahier documentaire particulièrement intéressant sur les usines-pensionnat conclut le roman graphique.
