L'histoire :
Banlieue lyonnaise, 2009… Hosni a un toit, un chat (dénommé Clochard : ça ne s’invente pas !) et une gamelle au fumet prometteur… mais ça n’a pas toujours été ainsi. Hosni est né dans le béton, il a écumé toutes les cités de Lyon. Il a bien pensé leur faire un beau bras d’honneur en prenant le large, un CAP de cuisinier en poche, pour l’Angleterre ou l’Allemagne. Mais les bras d’honneur : peut-on en faire quand on a la couleur de sa cité ? Peut-on tourner le dos aux contrôles policiers quotidiens ? L’intégration black-blanc-beur : poésie ? Pourtant, Hosni aime la France. Il veut y mener une vie rangée, il enchaine les petits jobs, il aime Vanessa, il lui fait un bébé. Les parents de la jeune femme ne veulent pas d’un gendre avec un nom pareil. Vanessa ne garde pas l’enfant. Et puis le père d’Hosni est licencié. Il abandonne sa famille et retourne en Tunisie. Hosni est abandonné une 2e fois : alcool à l’excès, cures et apprentissage de 3 nouvelles lettres : SDF.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En usant de ses crayons comme d’un dictaphone, Maximilien Le Roy offre ici à Hosni un espace d’expression. Loin de vouloir en faire une tribune, ce dernier l’utilise intelligemment, posément. Aussi se contente t-il d’apporter un simple témoignage qui, une quarantaine de planches plus loin, fait s’effacer l’acronyme pour un prénom et le sourire rayonnant d’un homme pris en photo. Né d’une rencontre, au coin d’une rue lyonnaise, entre un SDF et l’auteur de BD, l’ouvrage parvient donc à satisfaire l’objectif et le sens qu’Hosni voulait lui donner : faire sortir de l’anonymat le SDF pour qu’il devienne Hosni, Manuel, Jean-Pierre, Albert ou Ludovic (d’ailleurs la BD est complétée par 4 portraits présentant le parcours de 4 autres hommes vivant dans la rue). Car finalement, c’est le premier pas à faire que de reconnaitre leur dignité, les voir comme des hommes et ne pas se contenter de voir en eux un bonnet enfoncé, une main geignarde ou une bouteille de mauvais alcool. Ainsi, quand Hosni se raconte, il ne juge pas mais parle avec justesse, de sa famille, de sa couleur de peau, du béton des cités, de l’intégration. Il raconte les salops, les mains tendues, les squats, la petite délinquance, les foyers, la rue, la prison… sans que l’on n’apprenne réellement grand-chose de nouveau. Car Hosni ne cherche pas à jouer l’épate, à nous laisser voyeur impudique ou à expliquer les raisons de sa chute : il décrit lentement… Le mode narratif choisi, qui laisse la voix-off faire tout le boulot, bride évidemment l’action, mais permet justement à l’auteur de s’effacer totalement devant son sujet. Il lui donne ainsi beaucoup de sagesse et de philosophie. Le trait est plutôt réaliste, le style souvent proche du crayonné impressionniste, avec une colorisation parfois minimaliste et des plans qui rendent Hosni définitivement touchant. Une preuve, s’il en est, qu’avant nous, c’est Maximilien Le Roy qui était tombé sous le charme le cet homme attachant.