L'histoire :
Siwel court dans la rue après son petit cerceau lorsqu’en traversant la rue, elle aperçoit Lapinot. Malgré les appels répétés de la petite fille, ce dernier n’a pas le temps : il doit se rendre sans attendre à l’Ambassade. Pourtant, il n’est pas question de rater une occasion de rencontrer le célèbre lapin. Elle le poursuit donc jusque dans la bibliothèque, où il vient de pénétrer. Mais plutôt que l’animal, c’est une nuit épaisse qui l’attend derrière la porte, avec pour seule compagnie une lune bavarde qui lui ouvre l’accès à un curieux endroit. Car s’il s’agit bien d’une bibliothèque, le lieu est habité par des rats érudits dévorant littéralement et avec gourmandise livres ou histoires précieusement conservés. Siwel a bien peur que, bientôt, ce soit la sienne qui passe entre leurs dents. Aussi, pour ne pas prendre le risque de disparaitre à jamais, il lui faut rapidement gagner la sortie et retrouver sa réalité. C’est cependant plus facile à vouloir qu’à faire. Il lui faudra ainsi parcourir de multiples autres lieux aussi bizarres et inquiétants : forêt d’un lutin vantard, geôle d’une reine capricieuse ou encore île aux pirates, pour espérer fouler à nouveau les pavés de sa rue…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Plus que le récit, ou plutôt ce que l’on en tire ou comprend, c’est l’exercice auquel se prêtent Philippe Renault et David Barou qui est un régal. Il faut être un familier des univers décalés dans lesquelles poésie, onirisme et métaphores s’amusent à tour de planche, pour apprécier pleinement les aventures de Siwel dans ce drôle de pays. Mais nul besoin d’en raffoler pour admirer le boulot… Construite en de multiples clins d’œil aux Lewis Carroll et Trondheim (Siwel s’écrit Lewis à l’envers… tiens tiens !), Dante, Shakespeare Dumas ou Stevenson, l’histoire plonge une orpheline dans un labyrinthe peuplé de personnages tout à la fois tendres, drôles et inquiétants : magie, songe ou autre chose ? Seule la fin vous le livrera. Au-delà, et très certainement parce que nos deux talentueux auteurs y travaillent depuis longtemps, l’album s’amuse avec le lecteur de la plus belle des manières. Tout est subtilement construit : les mots dansent avec habileté, jouent en permanence les dignes héritiers de Queneau ; le récit pirouette autour de judicieuses et nombreuses trouvailles, véritables délices pour nos petits cerveaux. Les auteurs s’amusent à titiller leur médium en véritable gamins qui, devenus grands, se font un honneur de rendre hommage aux contes, histoires ou œuvres qui ont nourri leur imaginaire et leur créativité. Certes, pour mieux apprécier pleinement l’hommage, il est préférable de bien connaître les œuvres le servant (dans le cas contraire, un petit lexique à la fin de l’ouvrage est particulièrement bien venu). Cerise sur ce joli dessert, le graphisme jouant minimalisme enfantin : cadrages inventifs et intelligents, mise en couleurs douce, lumineuse et variée, renforcent la magie de cette promenade tendre et amusante. Bref, objectivement, un excellent travail de création, rendant l’album très intéressant.