L'histoire :
Clément Baloup arrive à Taïwan afin d’étudier un phénomène propre à ce pays, et développé depuis plusieurs dizaines d’années déjà : le business des mariages arrangés. Il existe en effet dans ce pays une diaspora vietnamienne composée presque exclusivement de jeunes femmes. Ce sujet tabou montre clairement l'opposition entre la société taïwanaise moderne et les traditions familiales fortes, dans lesquelles la femme reste soumise. A la suite des nombreux témoignages de femmes rencontrées, Baloup fait un rêve. Dans celui-ci, il devient une jeune femme vietnamienne, Linh. Elle vit à la campagne dans sa famille et pour ses 18 ans, elle retrouve deux amies afin de prendre un verre. Elles sont alors approchées par une certaine madame Zieu qui semble intéressée par Linh. Elles prennent d’autres verres ensemble, puis c’est l’heure de rentrer. Linh est un peu saoule et le chemin est long jusqu’à sa maison. Madame Zieu possède une voiture et lui propose de la raccompagner chez elle…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans ce récit original, Clément Baloup met en lumière le sujet tabou des mariages arrangés en Asie et plus particulièrement à Taïwan. Cet album vient compléter le diptyque des Mémoires de Viet Kieu : Quitter Saïgon et Little SaÏgon, publiés précédemment. Sur cette petite île « moderne », l'auteur s’intéresse donc à la diaspora vietnamienne exclusivement composée de jeunes femmes. Son enquête le conduit à rencontrer de nombreuses vietnamiennes qui lui racontent leurs propres mariages arrangés et les raisons qui les ont conduites à s'y soumettre. Il en retire une fiction dans laquelle il rentre dans la peau d’une jeune vietnamienne, Linh, confrontée à cet exil forcé. A l’aide d’un dessin semi-réaliste en couleur, Baloup retranscrit fidèlement l’univers asiatique. La mise en scène est fluide et les dessins se rapprochent parfois du registre du carnet de notes. On plonge facilement dans cette histoire fictionnelle au cours de laquelle l’auteur intercale des témoignages de jeunes vietnamiennes rencontrées pendant son séjour à Taïwan. Il s’en inspire pour construire son histoire afin de montrer des cas variés et difficiles. On comprend parfaitement le business mis en place pour arranger les mariages, le traumatisme évident des jeunes femmes qui le subissent et enfin, le traitement infligé à ces femmes par la famille de l’époux, voire par l’époux lui-même. Un parcours proche de l’esclavage moderne, dans lequel la femme subit et se retrouve coincée. Cependant, l’auteur exhale l’optimisme de son histoire. Les moyens pour que les femmes s’en sortent existent et le combat pour que les choses changent est en marche.