L'histoire :
« En descendant de l’avion, je prends ma 1ère estocade : le matador « Afrique », par l’intermédiaire de l’accueil de ses habitants, me décoche un puissant parfum qui enveloppe mon esprit et je m’évanouis. Ce sont les chaos de la piste et les mauvaises suspensions de la jeep qui me conduisent à Touboulou, en pleine brousse, qui me font reprendre connaissance. Bientôt, la voiture me laisse au bord d’un petit chemin et après 10mn de lutte dans une flore démesurée, j’arrive enfin. C’est le chef du village qui m’accueille d’un « Bonjour ! » impeccable puis d’un coup de pied brutal qui me fait chavirer. Je riposte immédiatement, nous roulons dans la poussière tous deux à moitié assommés. Puis rétablis, nous nous serrons la main : le combat d’introduction est terminé, je peux enfin visiter les lieux. Après cette petite ballade instructive, je me lance sur les traces du seigneur lion puis participe au conseil des sages, auquel j’explique les raisons de ma venue : étudier les mœurs de ces villageois. Au plus profond de moi je m’esclaffe lorsque le chef me répond qu’ils n’en n’ont pas. Il prétend qu’ils ont seulement des habitudes résultant de leur adaptation à l’environnement. Et puis, bien sûr, des rites magiques qui, loin d’être des mœurs, sont avant tout des techniques dont il souhaite immédiatement me prouver l’efficacité. Dés le lendemain, j’assiste alors, crédule, à ma première danse de la pluie… »
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
S’il n’y avait qu’une chose à retenir de cette quarantaine de planches petits formats, il faudrait sans conteste garder en mémoire l’éclairage donné par Jean-Luc Coudray sur le décalage entre nos certitudes et la réalité. En suivant le séjour africain de l’homme blanc, on s’attend à vivre une aventure exotique, à rire des us de ces sympathiques sauvages qui, éloignés de la vraie civilisation, ont tout à nous envier. Et puis tout comme le bon samaritain blanc, pétri de principes, imbibé du jus occidental cartésien, qui vient faire son petit ethno-tourisme, on subit une autre réalité : on se retrouve, comme dans les ouvrages de science-fiction marchant dans un univers parallèle, privé de nos repères (qui à n’en pas douter sont les bons !). Bien qu’assénée un peu trop rapidement, la leçon a bien lieu. La métaphore du faiseur de pluie est là pour tenter de nous apprendre à regarder le monde autrement, à remettre nos certitudes en question, à pouvoir espérer être un jour nous aussi capable de nous adapter… Servi par un humour subtil et un découpage qui joue très finement la carte du décalage, cet ouvrage paru initialement en 1989 aux éditions Rackham, a obtenu en 1990 l’Alph’Art Coup de Cœur à Angoulême. Cette nouvelle édition est complétée d’une colorisation de Joël Alessandra qui fait peut être perdre un peu de sa force au dessin initial d’Alain Garrigue. A découvrir, en tout cas, pour espérer se sentir, un peu, africain…