L'histoire :
La France rurale de la fin de la première moitié du XXème siècle. Élise et sa famille vivent dans des conditions modestes, dans une petite maison située non loin d'une ligne de chemin de fer. Comme beaucoup d'enfants, quand elle n'a pas classe, elle aide sa mère à accomplir la plupart des tâches domestiques. Son plaisir et ses loisirs, ce sont les sorties à proximité, qu'elle peut faire avec son chien, Dicko. Ce matin, comme tous les matins à l'école, la maîtresse fait sonner la cloche qui marque l'entrée en classe. Chaque élève se présente devant elle, c'est un rituel, en tendant ses mains et en les retournant, pour qu'elle contrôle l'hygiène, alors que dans le même temps il doit dire « Bonjour Madame. Pardon Madame ». Ce matin, les élèves doivent faire un dessin en reproduisant le vase rempli de fleurs que la maîtresse a posé sur son bureau. Élise demande à son voisin Michel de lui prêter son feutre vert pour qu'elle puisse faire les tiges, mais il refuse. Elle se fait alors tancer par la maîtresse, qui lui demande de se taire. Quelques instants après, elle redemande à Michel, qui lui lance haut et fort : « J'ai dit non ! ». La désobéissance d'Élise provoque la colère de l'enseignante, qui la tire de sa chaise par une oreille et la place à genoux dans un coin, avec deux encyclopédies qu'elle doit tenir, bras tendus au dessus de sa tête. Élise doit aller aux toilettes, mais la maîtresse refuse d'accéder à sa demande. La petite se fait dessus...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Fabian Menor est allé chercher dans les souvenirs d'enfance de sa grand-mère, à qui il dédie ce livre, pour proposer un récit simple et beau. En suivant le quotidien de cette enfant qui n'a pas une once de méchanceté et qui devient la souffre-douleur d'une enseignante, il nous entraîne dans un voyage dans le temps, qui nous rappelle au passage la tendresse et le mélange de fragilité et de force que détiennent les enfants. Immédiatement, le lecteur s'attache à Élise, car elle est victime de la stupidité et du sadisme d'une maîtresse d'école. C'est aussi pour l'auteur l'occasion de soulever les mœurs d'antan, ce qu'une Institution produisait, même si elle détient des ressources de régulation. Cependant, c'est bien connu, dépêcher un Inspecteur d'Académie peut garantir que les maltraitances cessent, mais cela ne répare pas pour autant celles qui ont été infligées auparavant. En filigrane, on s'aperçoit aussi à quel point la cellule familiale a connu des mutations depuis, notamment autour du rôle de la parentalité et de la place qu'on accorde aujourd'hui aux enfants et bien sûr au sein de l'école. Le dessin à l'encre de chine, avec ses lavis de gris, est tout en sobriété, ce qui amène aussi de la profondeur aux émotions que véhicule chaque scène. Ce qu'il y a également de remarquable, c'est que ce livre s'adresse à plusieurs générations : il peut être lu par des adultes, comme par des enfants. L'éditeur recommande une lecture à partir de huit ans ; et on vous l'avoue avec sincérité : c'est à une enfant de huit ans qu'on a aussi confié cette lecture, et elle a été touchée – du moins, elle a autant apprécié que nous ! Voici donc un album singulier, au propos délicat, mais développé avec beaucoup de tact et de tendresse.