L'histoire :
Comme chaque samedi sur deux, Hélène vient rendre visite à ses vieux parents, qui vivent dans une petite maison, toute en hauteur, d’une bourgade de campagne. A peine sa voiture garée, il se met à pleuvoir. Avant de descendre, Hélène essuie les traces de sang qui perlent de ses lèvres en regardant son visage dans le rétroviseur. Elle se recoiffe, se rend présentable… Quand elle descend de la voiture, il tombe cette fois une sévère averse d’orage. Elle sonne à la porte et son père tarde à venir lui ouvrir. Hélène est trempée. Les nuages noirs sont gorgés d’eau. Hélène salue ses parents, retire sa veste humide, la pose sur la chaise. Sa maman Jacqueline a du mal à marcher et souffre en plus d’un début d’Alzheimer. Pendant qu’elle est aux toilettes, Hélène découvre des post-its écrits par son père scotchés un peu partout dans la maison pour lui rappeler les choses primaires de la vie à domicile. Hélène met un plat de pâtes à cuire et monte voir son père dans son atelier de sculpteur. En quelques regards, ce dernier comprend que la vie de couple d’Hélène est « compliquée ». Il se doute que Daniel violente sa fille, mais ne se sent pas de donner des leçons ou de réclamer d’Hélène qu’elle agisse. Le repas terminé, Hélène songe à repartir chez elle. Mais les orages se sont tellement déchainés que des inondations bloquent les routes. Hélène est coincée au moins pour la nuit chez ses parents. Daniel va être furieux…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec ce nouvel album en one-shot, Jean Cremers aborde plusieurs sujets à la fois, tous dans l’air du temps, qui s’entremêlent et se répondent. Il y a, primo, le contexte, écologique : des pluies excessives inondent le village des parents d’Hélène, jusqu’à la bloquer en cet endroit, à submerger le rez-de-chaussée de la maison, puis le 1er étage… Une inondation exceptionnelle comme il s’en produit de plus en plus souvent, en réaction au réchauffement climatique en cours. Deuxio, il y a la maladie d’Alzheimer de la mère d’Hélène, la pathologie qui guette les très nombreux baby-boomers qui vont « profiter » de la bonne espérance de vie actuelle. Tertio, il y a surtout les violences faites aux femmes : Hélène est une femme battue, qui se refuse la solution de quitter son époux, qui culpabilise au lieu de s’affirmer victime. En somme, le statut de réfugiée climatique en autarcie chez ses parents va permettre à Hélène de faire le point sur sa condition. Sa vie prend l’eau, dans tous les sens de l’expression. On pourra certes reprocher à cette histoire ses résolutions tantôt un peu convenues, tantôt ultimes… et sa conclusion en queue de. Le bouquin est épais, mais la lecture est rapide, car la narration s’appuie sur beaucoup de moments de contemplations, de non-dits. L’expression silencieuse des comportements suffit à en dire long, avec beaucoup de pudeur. Auteur complet, Cremers déroule le dessin rapide qu’on lui a découvert sur ses deux précédents bouquins (Vague de froid et Le grand large), dans lesquels l’eau avait déjà une place de premier choix.