L'histoire :
Pour l’amour d’une jeune femme, Mowgli, le maître de la jungle, est retourné vivre parmi les hommes. Il a du abandonner ses amis, l’ours Baloo, la panthère Bagherra, le boa Kaa et sa famille loup, pour répondre à l’appel de SA nature. Mais au sein de la société des hommes, c'est-à-dire l’Inde sous occupation britannique, il n’est qu’un hors-caste, un vagabond qui ne sait ni lire ni écrire. Dans ces conditions, si l’amour réciproque qui le lie à Vedra est d’une solidité à toute épreuve, l’espoir d’une demande en mariage probante paraît impossible. Mowgli trouve alors une alliance malsaine, en la personne d’un capitaine anglais. Ce dernier lui promet richesse et notoriété, contre quelques détestables services : Mowgli espionne la résistance indienne anticolonialiste et il donne des noms. A chaque traitrise, il se déteste un peu plus, mais c’est là le seul moyen de se rapprocher de sa belle. Pourtant, suite à une entrevue à la dérobée entre les deux tourtereaux, le capitaine anglais se laisse aller à ses pulsions et viole Védra. En rage, Mowgli laisse parler son instinct animal et manque de tuer l’officier. La guerre est déclarée entre les deux hommes. L’anglais engage une chasse à l’homme à travers la jungle, un milieu vers lequel est assurément retourné Mowgli…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Et voilà déjà le premier des Polyptiques terminé, l’heure du bilan ! Assurément, le propos de Kipling ressort de cette adaptation par Stephen Desberg, mais il est différemment appréciable. Au-delà de l’aventure épique, ces livres de la jungle établissent avant tout le choc des cultures « asiatiques » (le respect de la nature, l’essence du bouddhisme ou du taoïsme) avec nos conceptions sociales occidentales (la loi du plus fort ?). L’homme est à l’animal ce que le colonisateur est au colonisé, ou encore ce que paradoxalement le tigre Shere Khan est à Mowgli. On peut donc lire ce « quadriptyque » comme une ode, faisant la part belle à la sensualité de l’inde, mais aussi comme le déclin de nos instincts sauvages, pervertis par la société des hommes. L’aspect crépusculaire est ici renforcé par la mort de Mowgli vieillard, dressant le bilan de son existence. C’est surtout sur cette approche emprunte à la fois de sagesse, d’accomplissement et de désillusions, que la série fait mouche. Le dessin d’Henri Reculé, au savoir-faire indiscutable, est beaucoup plus réussi depuis qu’il s’agit de mettre en scène des humains. Tantôt superbe, tantôt dépouillé, tantôt franchement raté (le zoomorphise n’est vraiment pas son truc : voir le loup et le chacal planche 17), le résultat global est donc par trop inégal. De même, sa colorisation y aurait sans doute gagnée à être confiée à un tiers. Un résultat mitigé, donc…