L'histoire :
C'est l'histoire d'un agent des relations publiques de deux hôtels lillois qui utilise les lieux pour des rencontres tarifées entre des prostituées et des clients prestigieux. Pour alimenter son réseau, il utilise les services d'un certain Dodo la Saumure, qui organise depuis la Belgique un réseau d'import de femmes de toute l'Europe et au delà. Lorsque des écoutes révèlent que les clients de ces deux personnes incluraient d'anciens fonctionnaires de police ou un commissionnaire divisionnaires, l'affaire se complique. Une conversation téléphonique interceptée en mai 2011 révèle en outre que les deux suspects surveillés connaîtraient Dominique Strauss Kahn. L'enquête qui aurait pu rester tristement banale prend dès lors une toute autre tournure. Près de trois ans après la mise en examen de DSK, le procès du Carlton va confronter tous ces protagonistes supposés, et débuter le 02 février 2015, pour treize jours d'audience. Lorsque le président annonce en ouverture du procès que le tribunal n'est pas le gardien de l'ordre moral, et qu'il devra se contenter d'évaluer les faits sous l'angle unique du potentiel proxénétisme aggravé, il établit une forme de dignité au milieu de faits divers graveleux. Alors que les médias se sont abondamment fait l'écho des pratiques sexuelles des protagonistes, la justice va instruire le procès, et préparer le rendu du verdict...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La présence de François Boucq dans la salle du tribunal correctionnel de Lille a remis sur le devant de la scène le métier de ces dessinateurs d'audience qui immortalisent en images les moments clés que les appareils photo n'ont pas le droit de saisir. Pascale Robert-Diard, journaliste au Monde, donne sa vision du compte-rendu du procès, qu'elle émaille des portraits réalisés par le brillant dessinateur de Bouncer ou des aventures de Jérôme Moucherot. Les compte-rendus donnent le ton de ce livre enquête, qui rend surtout hommage au travail difficile des juges dans un procès qui a connu l'emballement médiatique. Une forme d'admiration transparaît dans le récit que fait l'auteure du livre, et une sensibilité très personnelle aux personnalités qui s'expriment à la barre. Robert-Diard est impressionnée par le sang froid de DSK, la personnalité complexe des femmes qui ont participé aux soirées libertines, la très touchante implication de parties civiles qui tentent de sortir les prostituées de leur dépendance financière. Mais surtout par l'intelligence des juges. Le travail de Boucq est reconnaissable dans tous les portraits qu'il tire, ses seules prises de position résidant dans la touche finale qu'il donne aux personnes qu'il croque. DSK semble plus vieux, plus gros et plus voûté que ce que nous donnent à voir les écrans de télévision. Certaines des femmes portent dans ses portraits leur dignité malmenée par l'évocation de faits graveleux. Boucq semble s'être plié à l'exercice en toute humilité, laissant à sa co-auteure le soin de donner du sens à leur travail. Le lecteur, finalement, y apprendra beaucoup sur la complexité des faits, l'absence de preuves aussi pour permettre d'étayer certaines accusations. Et se trouvera pris dans le nécessaire recul qu'impose malgré tout un procès dont les médias n'ont mis en avant que les aspects les plus vendeurs.