L'histoire :
Six personnes sont voisines d’un même quartier, sans trop se côtoyer. Paul, employé aux objets perdus à la SNCF, se réveille ce matin-là en ayant (encore) fait un cauchemar. Monsieur Armand, bibliothécaire, pose une nouvelle fois une lettre à l’adresse fantaisiste sur son étagère… qu’il ne postera pas. La vieille Lucie finit une maquette de manège, avant d’aller faire un ménage pour compléter sa maigre retraite. Le jeune Louis est orphelin de mère, éduqué par un papa avec lequel il ne parvient pas à communiquer. Et Irina, comme tous les matins, passe devant la boutique d’Armand, pour se rendre à une destination inconnue. Armand en pince visiblement pour elle et il se décide à la suivre… jusqu’à un théâtre fermé. Au même moment, Lucie jette avec difficulté ses déchets dans les containers adaptés (ils sont trop hauts !), puis se rend au domicile de la dame chez qui elle fait le ménage. Une mauvaise surprise l’y attend : elle est remerciée, en raison de son âge. Pendant ce temps, Paul s’énerve tout seul dans son bureau. Il ne supporte plus le foutu sourire de son collègue Kacew, bientôt retraité.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’individualisme est un reproche fréquemment porté à notre société moderne, de plus en plus citadine. Les « petites gens » (nous tous, quoi !) aiment se replier sur leur cocon et mener leur vie en parallèle, par crainte sans doute de voir leur petit confort écorné par une intrusion importune dans leur sphère intime. C’est de ce postulat que part cette chronique sociale en one-shot, pétrie d’humanité, de simplicité et de bons sentiments. Nous suivons ici le quotidien de 6 personnes, habitant des immeubles qui se font front. Chacune est présentée en une première planche-gaufrier de 6 cases. Chacune a sa problématique qui lui sert de moteur quotidien : un amour transi pour l’un, un deuil à faire pour l’autre, les affres de la vieillesse pour la troisième… Evidemment, dans l’intervalle d’une journée, ici narrée par Vincent Zabus selon le principe du récit chorale, leurs destins vont favorablement basculer parce qu’ils se sont soudain entrecroisés. Le message central de l’album aspire donc à éveiller la solidarité et l’entraide. En amont de cette morale, Zabus met en place des personnages différemment touchants et attachants. Leur bonté et leur disponibilité se mêlent à la malice, suivant le « syndrome Amélie Poulain », en sachant toujours rester subtils, sans pathos. De fait, l’émotion surgit régulièrement, par pleines bouffées… et on ressort de cette lecture avec un rayon de soleil dans la tête, une foi ragaillardie en l’humanité. Cette réussite doit aussi beaucoup au dessin moderne, abouti et parfaitement en place de Thomas Campi. L’italien gère admirablement les « moments » et sa narration graphique parvient à prendre le relai de l’éloquence. Une jolie surprise automnale !