L'histoire :
Christine, quadragénaire, partage sa vie professionnelle entre un emploi de libraire à la FNAC de sa ville et la permanence téléphonique de Télé-Accueil, une ligne qu’on appelle en cas de détresse morale, pour parler et éponger un peu de ses souffrances. Elle connaît les règles par cœur de ce job à part : la patience, l’écoute, et surtout conserver l’anonymat ! Ne surtout pas ouvrir de porte dans sa propre intimité aux malheurs de tous ces quidams. Pourtant, Christine l’a fait, jadis, et elle en payé un lourd tribut. Aujourd’hui, elle s’est reconstruite. Elle a deux grandes filles, Fran et Nikki, un compagnon passionné par la mécanique automobile, Eric, et Claude, un ex encore amoureux transi qui lui propose enfin de tout quitter pour vivre ensemble. Elle a aussi enfin entamé la rédaction d’un roman, mais elle hésite entre l’écrire à la première ou à la troisième personne. Pourtant, une interlocutrice de télé-Accueil la dérange. Une jeune femme qui masque sa voix et fait une analyse particulièrement désillusionnée et mature sur sa propre vie. Et cette histoire entre curieusement en résonnance avec sa vie, avec son roman…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’intention était pourtant louable… et le sujet pour le moins intimiste et délicat à aborder : l’inceste et la pédophilie. Tellement délicat, que Marvano n’en parle jamais directement, préférant mettre en place un long et lent récit introspectif et contemplatif, dans une ambiance contemporaine dénuée de toute action, pour un dénouement essentiellement suggéré. Le dessin est confié à sa compatriote flamande Magda, rendue disponible par l’arrêt de sa série régulière, Charly. Réaliste, élégant, pro et régulier, ce dessin pèche juste crucialement à rendre les émotions ou l’âge réel… ce qui n’aide pas à cerner les acteurs du récit. Par exemple, il faut plusieurs pages pour réaliser que Christine n’est pas une ado, mais une quadra. Il faut alors dénicher le gros du propos à travers ses discussions téléphoniques, ou dans l’écriture de son roman en voix-off… ce qui n’est guère évident, étant donné que le scénariste tergiverse pas mal pour présenter sa situation personnelle et les composantes de sa vie. Notamment, on ne comprend qu’à la toute fin que l’un des protagonistes principaux de cette histoire est tout bonnement absent. De même, pour symboliser l’acte et ses conséquences irrémédiables, ce seront des mains anonymes, pliant un avion de papier auquel on brûle les ailes (cf. la couverture). Subtil et un poil hermétique ! Bref, à vouloir jouer la carte de la retenue, de la nuance, Marvano, d’ordinaire plus impérieux au dessin qu’au scénario, embrasse surtout celle de la confusion. Vu le sujet, était-il seulement possible de faire autrement ? Pas si sûr…