L'histoire :
Par un bel après-midi d'été, un schtroumpf en colère interpelle son voisin : il faudrait qu'il taille sa haie, parce que l'ombre qu'elle porte dans son jardin empêche ses plantes de pousser. Or, étant donné que le voisin n'est guère disposé à jouer de la cisaille, ils réclament tous deux l'arbitrage du Grand Schtroumpf. Dans sa grande sagesse, ce dernier trouve un arrangement à 50-50 qui calme le différent. Mais plus tard, c'est le schtroumpf coquet qui vient se plaindre que le feu de brousse du voisin (qui vient enfin de tailler sa haie) met des cendres sur son linge en train de sécher à l'extérieur. Puis c'est le schtroumpf musicien qui empêche le schtroumpf paresseux de siester... Le Grand Schtroumpf en a assez de ces querelles de voisinage ! Il propose que tout le monde réfléchisse 3 jours, puis se réunisse pour établir un code schtroumpf de bonne conduite. Dont acte : à force de palabres et de débats, les schtroumpfs parviennent à établir un texte de loi unique régissant la vie du village. A son terme, le Schtroumpf à Lunettes et le Schtroumpf Poète sont désignés pour retranscrire les débats en un texte unique. Nonobstant, dans les semaines qui suivent, à défaut de force répressive, les contrevenant multiplient les incivilités. Le Grand Schtroumpf charge donc le Schtroumpf à Lunettes de faire respecter ce nouveau code, à grand renfort d'amandes, dont le montant est proportionnelle à la gravité du délit. Et pour éviter que Schtroumpf à Lunettes se fasse systématiquement casser la figure (c'est une réaction classique), le Schtroumpf Costaud lui est nommé adjoint...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Eh oui, Les Schtroumpfs sont d'une puissance politique inouïe. Il vous suffit de lire ce trentième opus pour vous en convaincre, s'il en était besoin. La mésaventure qui secoue cette fois le village champignonesque des célèbres lutins bleus est en effet un petit bijou, dans la grande tradition des scénarii schtroumpfs à vocations sociales. Déjà, dans les fondations de la série géniale créée par Peyo, comment ne pas voir un formidable terrain d'expérimentations politiques... Cette petite communauté ultra-égalitaire, théoriquement sans envie ni jalousie, ne nécessite d'aucun règlement pour vivre en harmonie. Or, c'est justement ce postulat social utopique que les auteurs héritiers de Peyo (le fils Thierry Culliford et Alain Jost) remettent en question. Ici, de simples querelles de voisinage découlent, en cascade, sur l'instauration d'une force de l'ordre répressive et à ses débordements inhérents (abus de pouvoir, corruption, rébellions citoyennes...). D'une belle portée philosophique et logique dans ses développements et son dénouement, ce trentième opus se rapproche du Schtroumpfissime (l'un des meilleurs albums, fondateur) dans son évocation du pouvoir, ou plus précisément du Droit Civique et de l'ordre nécessaire à son exercice. Il étend même la problématique en instillant l'idée de lois, donc de peines, donc d'argent (l'unité est la noisette) et donc de contre-pouvoirs (le sabotage). Parents et enfant, chacun à leur niveau, dans une ambiance bon enfant et humoristique préservée par le dessin fidèle de Jeroen de Coninck, se confronteront ainsi à de primordiales pistes de réflexions politiques... mais pas politiciennes : il n'y a aucune autre forme de prosélytisme ou de morale, que celle qui incite notre communauté pensante à vivre en bonne intelligence, à chacun à y mettre un peu du sien pour ce faire. Et rien que ça, c'est énorme !