L'histoire :
Le 14 juin 1940, les allemands sont rentrés dans Paris et occupent la capitale : le drapeau nazi flotte désormais au dessus de l’arc de triomphe. Dans ce contexte de guerre, une jeune femme, Sonia, s’est levée de bon matin pour fuir vers l’ouest, comme des milliers d’autres parisiens. Un jeune homme, Louis, se propose spontanément de l’emmener en voiture. Elle accepte, à condition qu’il embarque avec eux… son fiancé, André. Louis accepte. Mais il n’est pas du genre à avoir des scrupules : la voiture, il la vole ! Les voilà tous trois partis en direction des côtes d’Armor. Durant 4 jours, tout en louvoyant entre les patrouilles et en s’affranchissant des contraintes logistiques (nourriture et carburant), ils font plus ample connaissance. Louis est un lâche, André un planqué et Sonia une communiste. A l’arrivée, ils apprennent l’arrivée au pouvoir de Pétain et la signature de l’armistice… des informations bien déprimantes, en somme. Parti seul en quête de nourriture, André entend l’appel de De Gaulle sur la radio d’un troquet. Ce discours là lui parle : c’est décidé, il ira en Angleterre, rejoindre la France Libre. Il en parle à Sonia, qui elle refuse d’abandonner les camarades de sa cellule. Louis, lui, décide de poursuivre jusqu’à Bordeaux (pour le pinard !). Tous trois se séparent donc…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Du Sursis à Tranquille Courage, en passant par Airborne 44 ou Petits bonheurs, les récits se déroulant durant l’occupation allemande sont légion en bande dessinée. A l’initiative de ce projet en 4 tomes, Jean-Philippe Derrien a néanmoins choisi d’aborder les paramètres qui font qu’un individu entre en résistance ou se plie à la collaboration. En effet, vue de notre confortable XXIe siècle, l’image du résistant est presque devenue une icône marketing, qui véhicule sens de l’honneur, courage, morale… Bref, une thématique en vogue, souvent exploitée à tord et à travers. Toutefois, en cette époque tourmentée, le moment du choix ne devait pas être aussi limpide et les conséquences souvent rédhibitoires. Dans ce premier opus, après une phase de présentation en forme de road-movie (la traversée vers la Bretagne), les 3 personnages du triangle amoureux (un schéma romantique classique dans ce registre) sont amenés à faire des choix et à se séparer. Sonia, communiste de conviction, se retrouve paradoxalement à devoir collaborer. Inversement, André entend l’appel de De Gaulle et le vit quasiment comme une entrée en religion. Les protagonistes incarnent ainsi différents visages de la Résistance (d’où le pluriel du titre), étayés par un travail de mémoire honnête, honorable et documenté. Certes, Derrien tire partie d’archétypes éprouvés, mais au-delà, on ne peut qu’être alléchés par les destinés de chacun, à travers les flash-forward d’introduction et de cliffhanger, qui nous emmènent jusqu’au printemps 1943. Et pour renforcer la crédibilité du projet, il peut s’appuyer sur le dessin réaliste de Claude Plumail. Plus à l’aise sur les décors que sur les expressions des personnages, son dessin (ainsi que la colorisation toujours impeccable de Scarlett) est néanmoins très pro, sérieux et agréable. Une bonne entrée en matière…