L'histoire :
Après s’être pris une balle dans le crâne – balle qui ne l’a pas tué – l’ex agent de la NSA Ian Mallory a fait 3 ans de coma. A son réveil, il a appris que Servane, sa femme (enceinte !), état décédée et que l’enquête était au point mort, faute de preuves… et de bonnes volontés. Ian refait néanmoins sa vie avec une nouvelle femme, une avocate qui a déjà deux filles, la petite Loreen et l’ado Naomi. Il pâtit aussi d’un trouble psychologique rare : il perçoit désormais les émotions avec un temps de décalage, qui peut aller jusque plusieurs heures. Ses anciens employeurs voient dans cette caractéristique psychologique une force : il est l’assassin idéal, qui ne sera jamais pollué par les émotions au moment d’appuyer sur la gâchette. De fait, la NSA exerce un chantage sur lui pour le réintégrer de force et le greffer sur une nouvelle affaire. Car il faut savoir que quelques jours auparavant, Naomi a tué « accidentellement » son petit ami Carl, qui voulait diffuser le film de leurs ébats intimes. « Favorisé » par son délai émotionnel, Ian Mallory l’a donc aidée à nettoyer le sang et à dissimuler le corps dans le béton d’un chantier… et bien entendu, la NSA est au courant de tout ! L’ex-nouvel agent est donc accueilli par l’athlétique agent Pendrell au « bloc », le QG top-secret où la NSA coordonne les opérations de terrain, pour une évaluation de ses capacités et un brief sur sa mission. Elle consiste à « neutraliser » l’avocat Fischer, parce qu’il a trempé dans l’évasion programmée d’un bandit, Arturo Bianco. Mais décalée ou pas, la conscience de Mallory lui interdit tout assassinat. En outre, il craint qu’une journaliste un peu trop zélée utilise des preuves contre lui, concernant l’aide procurée à Naomi…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le premier opus de Synchrone avait séduit par son intrigue noire, originale et rythmée, complétée par un dessin semi-réaliste de qualité. Ce tome deux pousse encore ces qualités d’un cran, pour forger un thriller d’action d’une densité narrative et graphique rares, rigoureusement construit et dialogué par Vincent Delmas. Le scénariste n’en fait pas trop avec la particularité psy du héros, cette propension à ressentir les émotions avec un temps de décalage. De fait, le personnage, sa mission et les enjeux qui en découlent devient crédibles, même si on note bien quelques petites exagérations « de genre » (le camouflage du meurtre de Naomi). Or le scénario pèche peut être justement par sa profusion d’intrigues et de précisions… avec le risque inhérent de se disperser. Car le héros doit assumer trois problématiques parallèles : enquêter sur le meurtre de sa première femme ; assumer ses arrières quant à la dissimulation du corps du petit-ami de sa belle-fille ; et remplir la nouvelle mission imposée par la NSA – un brin rocambolesque – tout en évitant de tuer, par souci éthique. Relativement fluide (une véritable gageure !), cette richesse scénaristique permet certes d’entremêler plusieurs pistes narratives, sans jamais trahir celle qui prendra le dessus dans la séquence suivante. Le dessin de Ricardo Crosa est détaillé, précis et besogné, en toutes circonstances, avec un soin particulier apporté aux cadrages et aux personnages (expressivité, proportions). L’italien applique avec un grand soin la griffe artistique, mâtinée d’Otomo, entrevue au cours des quatre premiers tomes de Sanctuaire Reminded.
