L'histoire :
A la veille de la première guerre mondiale, Fritz Lang est à Paris. Artiste passé par les beaux-arts de Munich, Bruxelles, ainsi que les académies Julian et de Ranson de Paris. Au gré de son travail, il se plonge dans la culture française mais peine à vivre de son art premier qui est la peinture. Après réflexion, l’essor du cinéma avec l’invention des frères lumière serait peut-être sa porte de sortie. Mais il doit apporter une touche personnelle et pourquoi pas appliquer au cinéma les règles de la peinture. Cependant, l’assassinat en juin 1914 de l’archiduc François-Ferdinand d'Habsbourg-Lorraine, héritier de l’empire austro-hongrois, va précipiter l’Europe dans la guerre. En tant qu’Autrichien, Fritz Lang n’est plus désirable dans la capitale française, il rentre à Vienne. Il va être enrôlé dans une division d’artillerie sur le front de l’Est et être blessé à plusieurs reprises. Décoré de sept médailles militaires pour sa bravoure, il sera dispensé de service et pourra se consacrer à son art, le cinéma. Ses premières œuvres seront remarquées, mais la naissance du géant du cinéma va avoir lieu lors de sa rencontre avec Thea Von Harbou écrivaine et actrice. Les deux amants vont écraser de leur talent le cinéma allemand jusqu’au début des années 30 et la montée du national-socialisme...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Voilà une tâche ardue que d’intéresser le grand-public au cinéma allemand des années 20-30. Les connaisseurs et passionnés de cinéma de cette époque se dirigeront en revanche aisément vers cet album. Arnaud Delalande, scénariste habile, habitué à transposer des récits historiques, décrit fidèlement la vie de Fritz Lang jusqu’à son exil aux Etats Unis en 1935. Le récit est très bien mené, avec la mise en lumière du talent de Fritz Lang et surtout sa particularité d’associer le cinéma à une peinture en mouvement. Le talent de l’homme sera sublimé par la rencontre de la sulfureuse Thea Von Harbou, sa muse et son alter ego, aux commandes des scénarios des films qui resteront dans la mémoire collective. D’ailleurs, l’auteur accorde une part importante à la relation entre Fritz et Thea. Le récit passe en revue la passion des premiers balbutiements de leur relation au déchirement idéologique qui va séparer les deux amants à l’aube de la seconde guerre mondiale. Le récit de la vie de Fritz Lang est extrêmement intéressant, car elle se situe aussi dans un contexte européen tendu avec des évènements qui vont déclencher les deux guerres mondiales. L’aspect graphique de l’album est confié à Eric Liberge qui, de son trait très réaliste, crée une très belle ambiance des années 20. Au vu du détail apporté pour chaque planche, le travail de l’auteur est gigantesque et le rendu vraiment superbe. Les cases représentant les réflexions de Fritz sont magnifiques, comme la pleine planche représentant le Fantomas de Feuillade en chimère imaginaire derrière la caméra, le tout dans un tourbillon de pensée. C’est vraiment très artistique et plaisant à regarder. Un petit bémol tout de même sur la colorisation dans les tons sombre qui alourdit l’ambiance graphique. Ainsi, les auteurs réussissent à porter la lumière sur un mastodonte du cinéma allemand des années 20-30 par un récit habile et un univers graphique réaliste de très grande qualité.