L'histoire :
En ce mois de septembre 1347, un navire marchand a quitté Rhodes en mettant le cap sur le sud de l’Italie. A son bord, Baldus, de l’ordre des hospitaliers, a reçu la mission d’escorter et de protéger la cargaison. Ce n’est pas sa première mission, il en a même fait une spécialité. Et rien ne peut plus l’effrayer depuis qu’il a été le seul survivant d’une attaque de turcs, à bord du Buzard, l’année précédente. Soudain, la vigie repère dans la nuit noire un navire à la dérive. Les hospitaliers sortent les grappins et l’abordent. Or à son bord, zéro survivant. Tous semblent avoir péri d’une horrible maladie, qu’ils identifient comme « la pestilence ». Lors de leurs fouilles, Baldus découvre un précieux coffre. A l’intérieur une petite psyché ronde, brillante et précieuse (en or ?), au dos de laquelle se trouve un labyrinthe. Baldus est tellement subjugué qu’il réagit un peu tard à l’attaque des rats qui s’en prennent à ses collègues. Dans la confusion, il leur semble à tous, qu’un cavalier de l’apocalypse les frappe. Baldus en casse son épée en tachant de se défendre. De retour à bord de son navire avec quelques-uns, une tempête prend le relais du chaos. Dans les heures qui suivent, Baldus comprend que l’enfer a changé de navire. Ses frères meurent les uns après les autres et lui-même est la proie de fièvres. Il s’échouera dans les récifs d’un littoral…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cela fait particulièrement sens d’aborder le sujet des grandes épidémies de l’Histoire, en ces années 2020 et 2021 (et espérons pas au-delà). Le « petit » fléau du covid-19 perturbe tant les rouages de notre humanité, qu’il est intéressant de se remémorer les dégâts causés par un virus bien plus mortel comme la peste, au XIVème siècle. Cédric Simon et Eric Stalner ont donc décoché rapidement la trame de ce diptyque, qui aborde la fameuse pandémie européenne de 1347-1352. A l’époque, en cinq ans, la « peste noire » ou « grande pestilence » a causé 25 millions de morts, soit près de la moitié de la population du continent ! Si le contexte est authentique et qu’il peut aujourd’hui s’appréhender sous un jour documentaire, à l’époque les gens du peuple n’avaient qu’un prisme de vue étroit sur cette maladie. Simon nous immerge au cœur du fléau, par l’intermédiaire de deux personnages fictifs : Baldus, jeune templier à bord du navire qui amène la peste en Europe ; et Alixe, une jeune herboriste en fuite, car considérée comme sorcière. Les destins de ces deux-là avancent par chapitres alternés, avant de se rejoindre en tout fin de premier tome. Entre chaque chapitre, les auteurs font des focus didactiques sur ce qu’on vient de suivre, carte de l’Europe à l’appui : qu’était-ce que l’ordre des hospitaliers ? Qui considérait-on comme sorcières ? Quid des flagellants ? Que fut le curieux phénomène des manies dansantes collectives (déjà abordées dans la BD Entrez dans la danse). La trame narrative évite tout excès de didactisme, se concentrant plutôt sur le ressenti des quidams de l’époque, qui traduisaient le moindre fait en châtiment divin, en superstitions. Dès lors, les réactions sont montrées particulièrement exacerbées – fallait-il assurément l’être pour égorger collectivement tout un régiment ou lapider « gratuitement » une femme. Bref, on se rassure soudain, en 2021, que l’humanité ait évolué jusqu’à des institutions protectrices, quoiqu’imparfaites. Dans ce premier opus, qui bénéficie toujours de la mise en scène « romantique » (bien que tragique) de Stalner, avec des décors régulièrement sur doubles planches et des personnages expressifs, les destins de Baldus et d’Alixe convergent et la peste se répand indubitablement. Elle prendra assurément toute son ampleur dans le volume à venir.