L'histoire :
En 1931, Staline est au faîte du pouvoir soviétique. Le soir venu, il continue d’imposer des heures supplémentaires à un petit fonctionnaire du Kremlin, auquel il dicte ses mémoires de jeunesse. L’homme tape à la machine dans un climat d’angoisse absolu. Le « petit père des peuples » raconte comment en 1902, ses actes révolutionnaires l’ont mené régulièrement à passer des séjours en prison. Il y passe son temps à lire, à s’instruire, à se nourrir de rencontres et à véhiculer son idéalisme, bref à préparer son grand œuvre révolutionnaire. Son charisme lui vaut aussi de collectionner les conquêtes féminines, car les prisons du Tsar sont des lieux relativement laxistes. On finit toutefois par le transférer dans une prison de Sibérie, où son prosélytisme se heurte à un niveau intellectuel très bas… Il tente de s’en évader à plusieurs reprises, mais il est à chaque fois rattrapé. Toutefois, la dernière évasion réussit et le mène jusqu’en ses terres natales : Tbilissi, la Georgie. Cette « évasion » intriguera plus tard ses « amis » : aurait-il été aidé par l’Okhrana, la police secrète elle-même ? Aurait-il trahi sa propre révolution pour satisfaire à son ambition personnelle ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les historiens Hubert Prolongeau et Arnaud Delalande continuent de romancer les années de jeunesse qui ont forgé le caractère absolutiste de l’un des pires tyrans de tous les temps : Joseph Djougachvili, alias Staline. Leur objectif est d’interroger l’Histoire afin de répondre à la question : comment cet enfant de Géorgie a-t-il pu se hisser aux faîtes du pouvoir et devenir un tueur de masse sans scrupule, responsable de génocides, d’exécutions, de famines organisées et de déportations abominables – on attribue au régime qu’il a dirigé plus de 20 millions de morts. Le biais biographique est dicté par Staline lui-même, en l’année 1931, à un simple fonctionnaire terrorisé. En de nombreux et longs flashbacks, s’ensuit un fil chronologique couvrant grosso-modo la période 1902-première guerre mondiale. Au sein d’une partition graphique très sombre (noire-grise-rouge) composée infographiquement par Eric Libergé, on va d’emprisonnement en coups d’éclats, de réunions révolutionnaires en conquêtes féminines. Staline apparait profondément obnubilé par la révolution prolétarienne. Il la transpire à chaque seconde de sa vie, sans le moindre sentiment humain, sans le moindre scrupule, la fin justifiant toujours les moyens. L’ensemble parait extrêmement documenté et sérieux sur le plan historique. Pourtant, la narration est fastidieuse, comme terriblement pesante, psychologiquement. Sans doute ce sentiment est-il dû à la conjoncture de plusieurs facteurs : le rejet naturel du monstre, la lassitude d’actes révolutionnaires et de réunions se ressemblant tous un peu, et néanmoins détachés les uns des autres, la noirceur du dessin, l’oppression psychologique et physique, jusqu’à l’écœurement. En ce sens, cette approche biographique est réussie !