L'histoire :
Quand Bobby Sands franchit à nouveau les portes des H-Blocks, il vient d'en prendre pour quatorze ans, pour port d'arme illégal. Cela faisait à peine six mois qu'il venait de quitter cette tôle... Quand il retrouve les matons, Sands refuse l'uniforme carcéral. Il revendique son statut de prisonnier politique et il n'en a rien à foutre que la Loi stipule que, désormais, tout prisonnier politique arrêté ou condamné après le 1er mars 1976 sera considéré comme un criminel de droit commun. Alors les matons lui rappellent la chanson : « Ici tu n'es rien. Ta bouffe m'appartient, ton cerveau m'appartient, même ta salope de bonne femme m'appartient, pigé ? ». Puis c'est le noir et il se réveille dans une cellule. Ils l'ont complètement passé à tabac. Il est enfermé avec un grand gaillard, Sam Millar. Il a 18 ans et il connaît la réputation de Sands. Alors il lui demande si cette légende qui circule à son sujet est vraie : est-ce qu'il s'est présenté, lui et les autres accusés, à poil ? Sands, malgré ses contusions, rit. Il veut bien garder la légende mais en fait, il voulait protester contre les mauvais traitements reçus lors de son interrogatoire : sept jours de tortures, en réalité. Millar, quant à lui, est là pour avoir pendu avec du barbelé un paramilitaire loyaliste anglais. Très vite, les deux hommes se rapprochent du chef des détenus membres de l'IRA...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec Long Kesh, Stéphane Heurteau signe un récit choc, aussi engagé que fut la courte vie de Bobby Sands. Figure de proue du mouvement de l'IRA, ses textes sous forme de poèmes et sa détention dans des conditions ignobles déclenchèrent une vague internationale de protestation, mais ne changèrent pas son sombre destin : mourir après cinq années de détention achevées par 66 jours de grève de la faim. Ça ne rigole pas dans le bouquin et une de ses réussites est que la prison en elle-même devient un personnage, tant elle incarne l'Enfer. Un Enfer créé par les détenus eux-mêmes, en réaction aux sévices constants qu'ils subissent. Avant la grève de la faim, il y a les hommes-couvertures : refusant l'uniforme de droit commun puisqu'ils se considèrent comme des prisonniers politiques (POW : Pisoner Of War), ils ne se drapent que de leurs couvertures. Alors l'hiver, les matons coupent le chauffage et dans certaines tôles, il gèle... Et l'été, ils le mettent à fond. On en apprend beaucoup, le long de ses 160 pages et le point de vue n'est jamais impartial : Sands avait un caractère hors du commun, mais il a fini par retourner contre lui son jusque-boutisme. Ce livre lui rend pour autant hommage, car l'homme le mérite, ayant été traité, comme ses camarades, comme des bêtes par des gardiens de prison inhumains. Pour nombre d'entre-eux, ils finirent d'ailleurs par se faire tuer non loin de leur lieu de vie... Long Kesh charrie donc son lot de violence, mais c'est surtout un témoignage touchant de cette époque sombre pour la paix en Irlande. Heurteau utilise un graphisme et des couleurs sombres et sobres. Toute la première partie du récit baigne dans un inquiétant noir et bleu profond et à la fin, c'est le gris qui s'impose : Sands, ni bourreau, ni martyr. Ou alors, les deux ! Un homme, son combat acharné et une démocratie qui se fourvoie en traitant des prisonniers de façon honteuse. La Dame de fer avait certainement aussi un cœur de pierre et les Irlandais doivent savoir aussi bien que nous ce que signifie la Perfide Albion. Long Kesh, bloody Long Kesh !