L'histoire :
L'égyptienne : Vers -2 000 avant J.C., à l'ère du Taureau, l'île grecque de Stronggylé (Santorin), gouvernée par le Prince Harralambos, est menacée par l'expansion guerrière de Minos, roi cruel de la région. Le Prince fait appel à des mercenaires surentraînés pour défendre l'île, mais des présages funestes sont délivrés par la prêtresse des lieux. Le jeune Hermian tombe amoureux de Kantana, esclave égyptienne achetée par son père, mais au sort de reine et traitée par lui comme telle. Les mercenaires commandés par le vaillant celte Adulas préparent l'affrontement, tandis qu'Hermian s'isole de chagrin dans une caverne, sculptant des statues de sa bien-aimée.
Minos : Le lien secret entre Kantana et Hermian a donné naissance à Messara, qui sait intuitivement qui est son vrai père. Jeune adulte, elle est de retour sur l'île avec l'armée d'Adulas : retrouvailles, cirque, fêtes. Le nouveau Prince annonce à Adulas son projet de tuer Minos. Messara se joint au commandement de cette guerre, et se fait accepter comme prêtresse, sentant sa démarche sacrée. Le Minotaure, Dédale et Icare sont évoqués.
Les ailes d’Icare : Le premier complot contre Minos ayant échoué, un second est échafaudé par Adulas et Arkhana avec, à sa tête, Messara, accompagnée du chef numide M'Baye. Pendant que certains construisent une statue immense d'un nouveau dieu protecteur, Messara entre dans le labyrinthe pour délivrer le jeune Icare. Puis tous se préparent à l'inévitable guerre : celle de la liberté pour son peuple. Adulas va paisiblement « rejoindre la terre de ses ancêtres », au moment de vérité de l'affrontement final.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ces temps très reculés de la civilisation antique sur ces îles grecques (appelée les Krètes dans la série) nous sont si étrangers et leurs enjeux peu compréhensibles, que le lecteur d’aujourd’hui se sentira un peu perdu. Pourtant, c’est justement l’occasion d’aborder certaines bases d’une culture, de mythes qui ont fondé notre civilisation européenne… Le scénario, instructif, mouvementé, mais dense, est compliqué par quelques retours en arrière et un dialogue un peu alambiqué et parfois grandiloquent. Tout bien pesé, cela fait la richesse de cette série, mais certains passages auraient mérité d’être éclaircis, pour plus de lisibilité. Les trois tomes de Messara, aujourd’hui réunis en intégrale, sont donc plus « sérieux », plus profonds que Pirates, des mêmes Bonifay et Terpant (à ne pas confondre avec l’intégrale éponyme de la série Capitaine La Guibole). Avantage donc, elle peut se relire plusieurs fois ! Ces intrigues guerrières, politiques, mais aussi individuelles, sont pleines d’action, de fureur, de sensualité, et presque tous les sentiments humains y sont présents. On s’attache à Messara, femme moderne prouvant la largeur d’esprit de l’époque, à Kantana qui ne fait que passer, et aussi au celte Adulas. Le mérite en revient d’abord au dessinateur Jacques Terpant. Son trait noble, sensuel, riche mais lisible, sa mise en scène évidemment réaliste magnifiée par ses couleurs directes, font de chaque planche un enchantement. Entre autres, le lecteur sera surpris (et conquis si cela rencontre ses goûts) par ces femmes vêtues admirablement et à la poitrine dénudée, mais aussi par les bâtiments si bien rendus, les guerriers farouches de tous bords, les quelques scènes contemplatives, et les batailles « homériques ». Terpant réussit à rendre vivant et presque vrai, comme un rêve, tout un monde disparu, par son style solide et très élégant. Ses planches ont une « patine » mystérieuse, comme provenant de souvenirs ou de visions du passé, qu’on reconnaît et qu’on admire dans les impressionnants triptyques Sept cavaliers et Le royaume de Borée. Comme chaque intégrale, celle-ci donne une deuxième chance à cette saga. Ici dans une présentation soignée, avec couverture originale et dossier final rehaussé de dessins rares et inédits. Une chance à saisir, donc, pour redécouvrir ou mieux apprécier Terpant, un dessinateur majeur. Il est temps, largement temps.