L'histoire :
Lyon, 1831. Le jeune Anselme Petetin, tout juste 25 ans, découvre la cité radieuse. Nommé directeur du journal libéral « Le Précurseur » par les actionnaires parisiens, il arrive dans un contexte difficile. Le soulèvement des Trois Glorieuses a occasionné l’été passé une révolution de palais : Louis-Philippe, roi des Français, a succédé à son cousin Charles X, anciennement roi de France. La nouvelle aristocratie bourgeoise a armé le peuple et s’est emparée du pouvoir. C’est en tout cas ainsi que beaucoup le voit. Pendant le voyage en voiture qui l’amène au bord du Rhône, les avis sont partagés entre les soutiens et adversaires au nouveau régime. Reçu fraîchement par le maire et l’ex-dirigeant du journal, Anselme apprend ainsi que le contexte économique est devenu explosif. Au nord de la ville, sur la butte de la Croix-Rousse où la multitude des ouvriers du textile a élu domicile, les canuts – comme on les appelle – survivent au mieux. Contraints de négocier sans cesse à la baisse le fruit de leur labeur, la plupart ne parvient plus à dégager de quoi se nourrir. Le sentiment légitime d’être exploité par une élite de négociants sans scrupule s’installe et le mécontentement gronde. Conscient du danger, les pouvoirs municipal et royal s’organisent. Mais fin novembre, tout bascule…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Publié aux Enfants Rouges, Le linceul du vieux monde a pour ambition de retracer en trois albums la fameuse révolte des canuts, comme on appelait jadis les ouvriers du textile lyonnais. Alors que la révolution des trois glorieuses vient tout juste de porter sur le trône le nouveau Roi des Français Louis-Philippe, les difficultés économiques et la flambée des prix étranglent à la gorge un nouveau prolétariat incapable de (sur-)vivre du fruit de son labeur. Sous la coupe des gros négociants du secteur, un nouveau capitalisme industrieux naît alors, qui nourrira les idéologies libérale et communiste – en réaction – pour le siècle à venir… D’abord assez agressif, la couverture de ce premier album donne bien le ton de l’œuvre entreprise : révolutionnaire ! La colère d’abord sourde, puis cinglante, du peuple ouvrier vous gicle au visage. Il n’est plus question pour l’auteur de subir mais de réagir. Comme il le confessait dernièrement : Je rêve d’une bande dessinée distrayante, esthétique et intelligente. Instructive et engagée. Un crayon peut changer ce qu’une bombe peut stigmatiser (Site Smolny déc. 2013). Et le pari est plutôt réussi. Le contexte général, bien que complexe, est respecté ; le lecteur y trouve ses repères, malgré un nombre considérables de figures mises en scène ; et le rythme y est, prenant le temps de camper les choses avant l’étincelle conclusive. Le trait est réaliste et vigoureux, et le choix du noir & blanc se comprend aisément. Il est encore trop tôt pour juger du résultat final, mais cette mise en bouche donne l’envie d’y revenir, que l’on partage ou non le parti-pris quant à cette relecture de l’Histoire.