L'histoire :
C’est lors d’une convalescence, après une maladie, que le jeune Henri Matisse, alors étudiant en droit à Saint-Quentin, se fait piquer par le démon de la peinture. Il se met d’abord à copier frénétiquement, puis se rend à l’école Quentin Latour où il travaille sous la direction de dessinateurs textiles. Définitivement emballé, il abandonne le droit et file à Paris pour y étudier plus sérieusement son art… En prenant le temps au musée, on peut s’amuser à retracer son parcours et tenter de retrouver dans ses œuvres comment son art s’est construit. De la copie répétitive des grands maîtres, comme pour mieux s’imprégner de la technique, à ses querelles d’artistes avec Picasso. De sa découverte de l’impressionnisme, aux scandales provoqués par certaines de ses toiles aux couleurs violentes… On s’amuse, de salle en salle, à revivre ce destin. En observant les tableaux, les sculptures, on pourra également laisser trainer son regard vers les autres visiteurs. Savourer délicieusement, les doigts qui se tendent, les fronts qui se plissent ou les yeux qui pétillent et se perdent à l’infini, dans un vase de marguerites, un portrait, un pied de bronze, une jeune femme et son ombrelle... Un voyage dans l’art et dans le temps, en somme, avec les yeux pour seule merveilleuse machine…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est une manière originale de rendre hommage à Henri Matisse à laquelle se livre ici Christophe Girard. Il choisit, en effet, à travers quelques 50 planches, d’esquisser une biographie du célèbre peintre, en nous proposant une balade au musée. Invité en juillet 2009 au Musée Matisse de Nice, le dessinateur pose son regard sur les œuvres de l’artiste. Il les crayonne subtilement, laisse échapper son regard vers les autres visiteurs, croqués à leur tour. Il ponctue enfin sa planche en représentant tantôt Matisse lui-même, tantôt ses contemporains, évoquant son travail, la critique de son œuvre ou son impact sur la société. Ainsi, chacune des planches reprend cet exact schéma (l’œuvre au centre, les visiteurs « muets » autour et les commentateurs en bas de la feuille de dessin) rythmant l’ouvrage avec une régularité sécurisante et gommant judicieusement l’aspect parfois « verbeux » des citations. En procédant de la sorte, Christophe Girard opère un second clin d’œil. Un battement de paupière adressé à Hokusai Katsushika et plus particulièrement à son ouvrage Hokusai Manga. En 1814, l’artiste peintre japonais se faisait en effet remarquer en livrant une compilation de scènes de vie quotidienne croquées sur le vif et particulièrement expressives. Girard emprunte donc cette manière de faire, cette esquisse spontanée (c’est ce que signifie « manga » en japonais) pour un voyage entre les murs du musée. Cette manière posée d’offrir au regard, tableau ou sculpture, correspond parfaitement à notre manière de faire au musée. Un vrai moment de repos… On peut y opposer juste un petit bémol : l’absence de couleur si fondatrice du travail de Matisse (oui, on sait : justement l’esquisse et le noir et blanc sont des éléments constitutifs de la démarche proposée ici… mais bon !). Au-delà, même parcellaire, cette biographie cerne impeccablement l’artiste et donne en tous cas très envie de le découvrir… dans les livres ou au musée.