L'histoire :
Octobre 1957. Anton Privitch, militaire dans la marine soviétique, est en train de péter gravement une durite, à bord du sous-marin Youbrenin. Hanté par un cauchemar récurrent, l’image d’un bosquet dantesque et satanique, il est devenu subitement violent. Il a réussit à se libérer de sa camisole et massacre maintenant à coup de barre en fer les médecins et camarades qui tentent de le neutraliser. Dans sa tête, c’est la confusion la plus totale : il ne sait plus s’il est paisiblement chez lui, en famille, avec son second fils dans les bras, ou si ce dernier est effectivement mort-né, et que donc, ce qu’il sert tout contre lui, est une bête grenade dégoupillée. Evidemment, celle-ci explose, ouvrant une brèche fatale dans la coque du Youbrenin, alors que le submersible venait de pénétrer dans une mystérieuse grotte abyssale… 70 ans plus tard, en 2029, l’USS Nebraska, un titanesque sous-marin nucléaire high-tech américain subit, dans l’Atlantique nord, une série de tests préalables à son inauguration. Or, le commandant Hamish est très inquiet : il vient de recevoir un ordre émanant du président en personne, de lancer un missile atomique sur des coordonnées précises. Certains membres de l’équipage sont en train de faire plus ample « connaissance » lorsque Hamish officialise au micro, en un discours aussi bref que patriotique, l’attaque imminente…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après la trilogie initiale Sanctuaire de Christophe Bec et Xavier Dorison, en passe de devenir culte, après Sanctuaire reminded, son adaptation manga, voici à présent Sanctuaire redux… et c’est toujours la même histoire ! Emballés par l’énorme potentiel de cette aventure d’anticipation et d’horreur, les auteurs chercheraient-ils à transformer leur histoire en licence, en multipliant les déclinaisons à moult sauces (Bonjour, un menu BigMac Sanctuaire®, s’il vous plait) ? En fait, même si le concept annonce clairement la couleur en ambitionnant franchement de suivre la même trame de fond, il ne s’agit pas exactement de la même histoire. On s’en rend compte dès les premières pages : le scénariste Stephane Betbeder comble plutôt les ellipses, invente un passé aux protagonistes sur un ton plus léger, en reprenant la trame globale bien en amont. De même, hormis les fonds noirs et la lumière bleue-glauque, le dessin n’a rien à voir. A la frontière du manga, du comics et d’une ligne semi-réaliste franco-belge, Riccardo Crosa maîtrise néanmoins son sujet, préférant jouer sur l’atmosphère d’angoisse, les ambiances (lignes de fuites, cadrages dynamiques, colorisations feutrées et dégradées) que sur des arrières plans détaillés. D’emblée, on découvre la démence d’un marin, à bord d’un sous-marin soviétique, en 1957 (à bord du sous-marin initialement échoué dans le fameux machélodon syrien). Première surprise : au lieu d’être agacé de lire une intrigue déjà connue, le lecteur est donc surpris d’en découvrir une autre qui n’a rien à voir. Puis on est présenté en détail avec les différents personnages, qui vont s’embourber dans le piège abyssal de cette année 2029. Ce premier tome est découpé en 4 chapitres bien séparés ; or seul le dernier chapitre recoupe l’histoire que nous connaissons, avec la découverte par l’USS Nebraska de la cavité sous-marine. En tous cas, sur ce premier tome, Betbeder réussit son coup : à partir d’une même recette, il a varié les ingrédients, rafraichi la sauce et servi un met différent. Et le suspens inhérent se met naturellement et implacablement en place. En outre, Betbeder ne s’interdit pas de changer carrément la suite… ou la fin… Il verra bien, en fait : ce sera à la bonne volonté de personnages qui ne lui appartenaient pas et qui ne lui appartiennent déjà plus. On est piégés. Il nous faut absolument lire la suite. Vite !